L'attaque frontale menée contre les Etats-Unis par le président russe, Vladimir Poutine, lors de son discours à la nation prononcé, hier, explique, a posteriori, la raison pour laquelle le Kremlin a tenu à célébrer solennellement, le 9 mai dernier, sur la mythique Place rouge de Moscou, le 61e anniversaire de la victoire de la Guerre de défense nationale menée par les soldats de l'Armée rouge contre les troupes nazies. Tout compte fait, les nombreux analystes n'avaient pas tort de voir dans l'attention particulière investie par les autorités russes dans la préparation de cet événement une tentative de la Russie de renforcer, par l'histoire, la cohésion de la Communauté des Etats indépendants (CEI). L'attitude agressive adoptée par Vladimir Poutine à l'égard de Washington révèle néanmoins que la glorification de la résistance victorieuse -mais surtout déterminante à l'époque pour l'avenir du monde libre - opposée par l'Armée rouge à la menace nazie participe d'un projet plus ambitieux : celui de faire de la Russie une « grande puissance » capable de tenir tête au « loup » américain. Même s'il participe, dans une large mesure, à revigorer le nationalisme russe, le discours tenu par l'ancien officier du KGB (les services secrets soviétiques) est tout de même « criblé » de passages qui annoncent la fin du partenariat stratégique développé par Moscou et Washington au début des années 1990 et le début d'une rivalité entre les deux capitales assimilable, en bien des cas, à celle qui les a apposés durant la guerre froide. Le constat est loin d'être une vue de l'esprit dans la mesure où, au plan des faits, la concurrence entre les Etats-Unis d'Amérique et la Russie a commencé depuis plusieurs mois. Celle-ci perceptible à travers les efforts entrepris par Moscou pour reprendre pied dans les pays inclus dans le giron de l'ancien empire soviétique, l'agressivité manifestée par les entreprises russes d'armement et la récente amitié liant Moscou et Pékin. Cette pléthore d'éléments associés au forcing opéré par la diplomatie russe dans les dossiers du conflit palestinien et de la crise du nucléaire iranien montre que Moscou ambitionne de bâtir un ensemble (ou un pré-carré) qui lui permettrait de briser l'hégémonie américaine. Ambition que confirme amplement, d'ailleurs, la « guerre du gaz » déclenchée au début de l'année par le géant pétrolier russe Gazprom contre les pays de l'ex-Union soviétique passés à « l'Ouest » ou qui seraient tentés de le faire. Réaliste, Vladimir Poutine a pris cependant le soin d'avertir les citoyens que la concrétisation de son rêve de faire de la Russie une puissance comparable aux Etats-Unis passe par la construction d'une société à l'américaine qui devra briller par sa capacité à innover et à jeter les bases à une économie diversifiée qui ne dépendrait plus de la seule exploitation de matières premières comme le pétrole ou le gaz. Tout un programme qui demandera certainement beaucoup d'argent et presque autant de temps.