La révision prévue de l'article 87 bis du code du travail «éliminera la référence au SNMG et consacrera l'esclavage». C'est ce que pense l'économiste Amar Belhimer en mettant en garde contre «un énorme danger pour le monde du travail en Algérie». Intervenant lors d'une conférence-débat sur le thème «Les droits économiques en Algérie», organisée, jeudi soir, par la LADDH, l'orateur estime que cette révision, devant être effective après la tripartite de septembre prochain, est l'une des exigences du Fonds monétaire international (FMI). «A mon avis, l'amendement de l'article 87 bis consacrera, comme en France, le passage du CDI au CDD. Cela participe de la précarisation de la condition du travail dans notre pays, d'autant plus que le phénomène est associé à une tendance dangereuse à laquelle appelle de manière ferme le Fonds monétaire international, en l'occurrence l'abandon des négociations collectives de branches. Le FMI dit OK aux négociations avec des syndicats, mais dans les entreprises. C'est-à-dire avec des syndicats maison et des syndicats en position de faiblesse», explique-t-il. Selon lui, le FMI exige l'arrêt des conventions collectives issues de la Seconde Guerre mondiale. «Cela induit une renégociation des pactes économiques et sociaux, un retour à l'entreprise, un emprisonnement des travailleurs et une abrogation de tous les acquis sociaux. Lorsque Tayeb Louh, ministre du Travail, ira à la tripartite, c'est pour abroger le SNMG. Il ne faut pas se faire d'illusion : la révision de l'article 87 bis sera synonyme de l'esclavage. Cette révision vise à lever les contraintes, y compris en écartant toute référence au SNMG. C'est une voie ouverte à tous les abus possibles», alerte-t-il. Amar Belhimer précise, dans ce sens, qu'il ne restera plus d'acquis pour les travailleurs si «toutes les barrières sont levées dans cette situation où le monde syndical est à genoux et où les pouvoirs publics mettent des freins devant des syndicats agréés et les empêchent de se réunir». Cette lecture de Amar Belhimer s'inscrit en contradiction avec les explications euphoriques de l'UGTA et du gouvernement qui tentent de faire croire que la révision de cette disposition sera «bénéfique pour les travailleurs». Y a-t-il donc une volonté de tromper le monde du travail en Algérie ? Il faut attendre la prochaine rentrée sociale pour avoir le contenu de la révision proposée de l'article en question. Mais elle n'est pas la seule régression en matière des droits économiques. Selon le conférencier, l'Algérie a suivi la tendance mondiale enclenchée à partir des années 1990. «L'Algérie excelle dans la répression des travailleurs» C'est à partir de cette date, explique-t-il, qu'on a assisté à l'érosion et même l'extinction des droits économiques. «En Algérie, nous avons quitté l'ancien droit hérité du colonialisme et reformaté par le modèle national socialiste, sans pour autant tenir aux nouveaux droits. Parce que nous n'avons pas encore réglé le problème de la propriété et nous avons également une crise de contrat», soutient-t-il. Outre l'insécurité juridique et l'absence d'un Etat de droit, l'économiste déplore aussi la forte répression des syndicats en Algérie et le recul sur le droit de grève dans le pays. «Le droit de grève est également battu en brèche un peu partout dans le monde, y compris en Algérie puisque la loi du 6 février 1990 autorise les pouvoirs publics à recourir à la consultation de la commission nationale d'arbitrage pour freiner l'exercice du droit de grève», illustre-t-il. Afin de démontrer l'ampleur de la répression, le conférencier se réfère au dernier classement de la Banque mondiale qui met l'Algérie à la 152e place sur 185 pays en matière de climat des affaires. «Paradoxalement, s'agissant d'un indicateur qui est le règlement de la solvabilité qui permet à l'entreprise qui fait faillite de liquider ses salariés, l'Algérie est bien placé (62e). Nous sommes très bons dans la répression des travailleurs», commente-t-il, indiquant que le système basé sur le partage de la rente a favorisé l'informel dans le pays.