Partant du principe que les droits économiques font partie des droits de l'homme, la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LAADDH) a organisé, jeudi soir à Alger, une conférence-débat consacrée aux droits économiques, animée par le professeur Amar Belhimer. Le conférencier, dans son exposé, a dépeint un tableau « malheureux » des droits économiques dans le monde, marqué par les licenciements abusifs, la réforme des systèmes de retraite sans oublier l'informel qui gagne de plus en plus le terrain. Il a soutenu que le capital a gagné sa bataille contre le travail. « C'est une défaite politique, idéologique et culturelle du monde du travail contre le monde du capital », explique-t-il. Conséquences : des écarts de revenus entre les pauvres et les riches ainsi que le désarmement de la puissance publique devant la situation. Y a-t-il des possibilités de réaction ? Amar Belhimer a évoqué deux options : adoption d'une économie sociale solidaire à travers la mise en place de mutuelles, de syndicats et autres fondations et le recours au microcrédit. Abordant la réalité algérienne, il a fait savoir que trois facteurs empêchent l'émergence des droits économiques dans notre pays. Il s'agit de la propriété, l'insécurité juridique, le déficit logistique et, enfin, les carences en matière d'Etat de droit. Il expliquera que le droit à la propriété chez nous est un nouveau concept qui reste toujours précaire. Preuve de cette inconstance : la gestion approximative des expropriations marquée par l'absence remarquable de l'utilité publique laissée à la seule appréciation des juges. Comme il a noté la suprématie de l'administration sur l'acte de la propriété. Sur le déficit logistique, Amar Belhimer a indiqué que les lois sont mal faites, d'où leur mauvaise application sur le terrain. Ainsi, il a noté le manque de souplesse des textes juridiques chez nous, contrairement à ce qui se fait partout ailleurs. Pour ce qui est enfin de l'Etat de droit, il a estimé que l'Algérie est encore loin de répondre à certains critères qui sont l'absence de corruption, la sécurité et la stabilité, et le non- recours à la violence pour faire valoir ses droits sociaux. 87 bis : le but d'une révision Evoquant l'amendement prochain de l'article 87 bis du code du travail, il a estimé que cette révision consacrera, comme en France, le passage du CDI au CDD. « On a évité la généralisation du CDI et on a généralisé le CDD », dit-il. Et de souligner que ça participe de la précarisation de la condition du travail. Selon lui, le phénomène est associé à une tendance dangereuse à laquelle appelle le Fonds monétaire international (FMI), en l'occurrence l'abandon des négociations collectives de branches. Il explique : « Le FMI dit OK aux négociations avec des syndicats, mais seulement dans les entreprises. C'est-à-dire avec des syndicats maison, en position de faiblesse. Pour lui, il faut arrêter avec les conventions collectives issues de la Seconde Guerre mondiale. Cela induit une renégociation des pactes économiques et sociaux, le retour à l'entreprise et l'abrogation de tous les acquis sociaux. » Amar Belhimer a soutenu que la révision de cet article n'a jamais été une préoccupation majeure du patronat, beaucoup plus intéressé par l'effacement des dettes, la fiscalité, le financement et l'investissement. Sur les perspectives économiques du pays, il a estimé que les prévisions sont inquiétantes pour une économie basée sur les hydrocarbures.