L'embuscade terroriste tendue lundi soir sur les monts Chaâmbi, à Kasserine, constitue la première attaque de front des djihadistes contre l'armée tunisienne. Huit militaires ont été tués sur le coup. Cette embuscade avait été préparée, comme l'indique la mine qui a sauté au passage de la voiture semi-blindée qui a essayé de venir au secours des soldats attaqués. Tunisie. De notre correspondant Il s'agit d'une première. Les autres incidents entre l'armée et les groupes djihadistes étaient plutôt le fruit du hasard des perquisitions pour les actes survenus durant les deux dernières années (Rouhia en mai 2011, Bir Ali Ben Khelifa en février 2012 et Fériana en décembre 2012). Alors que les autorités tunisiennes ne se sont pas exprimées pour l'instant au sujet de l'assassinat des huit membres d'une unité d'élite à djebel Chaâmbi, les autorités algériennes ont privilégié, selon Mosaïque FM, la thèse d'une attaque menée par les membres du groupe terroriste Abou Fida, proche d'Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI). Il s'agirait du groupe dirigé par Kamel Ben Arbia, plus connu sous le nom de Abou Fida, qui a été arrêté la semaine dernière dans la wilaya d'El Oued (frontière tuniso-algérienne). Le groupe se serait infiltré en Tunisie et aurait commis cette attaque contre l'armée tunisienne en représailles de l'arrestation de son chef, toujours selon la même source. A l'hôpital de Kasserine, le docteur Chedli Mafkoudi du service de réanimation affirme que «certains soldats ont été égorgés». Des témoins oculaires ont affirmé que «les terroristes ont pris les uniformes et les munitions de la plupart des soldats abattus, qui ont été retrouvés et ramenés à la morgue en petite tenue». Suite à ce carnage, les habitants de Kasserine se sont rués vers le local du parti islamiste au pouvoir Ennahdha pour y mettre le feu. Les Kasserinois ont crié leur colère contre les islamistes au pouvoir en Tunisie, leur faisant endosser toute la responsabilité des événements terroristes. Cette tension a fait que la cérémonie officielle, présidée hier matin par le président Marzouki à la caserne de Kasserine, s'est déroulée en catimini. La troïka défaillante ? Il n'échappe désormais à personne que la gestion de la question sécuritaire constitue un véritable défi pour la Tunisie. Après les assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi et le carnage subi à Chaâmbi, on ne saurait parler de réussite à ce niveau. L'ex-secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Touhami Abdouli, accuse l'aile radicale du parti Ennahdha d'être derrière la montée du terrorisme. «Ennahdha est responsable moralement de ce terrorisme qui est désormais bien installé en Tunisie», a-t-il indiqué. Abdouli a rappelé le laisser-aller du gouvernement et comment «Khaled Tarrouche, porte-parole du ministère de l'Intérieur du temps de Ali Laârayedh, a longtemps nié l'existence de camps d'entraînement sur les montagnes de Kasserine et du Kef. Laârayedh lui-même a dit et redit maintes fois que la situation était sous contrôle et que le ministère de l'Intérieur ne laissera aucune chance au crime organisé». «N'y a-t-il pas de responsabilité morale suite à toutes ces défaillances ?», s'est-il interrogé. A rappeler que les trois présidents – Laârayedh, Ben Jaâfar et Marzouki – ont assuré, le 25 juillet, une heure avant l'assassinat de Mohamed Brahmi, que «la situation sécuritaire s'est nettement améliorée». Le chef du gouvernement, Ali Laârayedh, avait réitéré avant-hier cette même évaluation tranquillisante, une heure avant le carnage des monts Chaâmbi. La direction politique persiste donc à ne pas reconnaître l'échec. Par ailleurs, sur le plan médiatique, Ennahdha s'est limité à un maigre communiqué qui a condamné cet acte terroriste et appelé le peuple tunisien à souder ses rangs. Par contre, les chaînes télévisées proches des islamistes, Zitouna TV et Al Moutawassat, ont essayé de véhiculer une thèse impliquant les services secrets algériens. Cette idée a été véhiculée sur Zitouna TV par le blogueur Yassine Ayari, sur un plateau animé par Mohamed Fourati, rédacteur en chef du journal Al Fajr, organe officiel d'Ennahdha. Ayari est connu pour sa sympathie avec les milieux islamistes. Al Moutawassat a également essayé de diriger les analyses vers cette même thèse. A bien lire le discours de Ali Laârayedh, qui essaie d'accuser «des comploteurs de toutes parts» d'être à l'origine de ce qui se passe en Tunisie et d'épargner son gouvernement et la troïka, la thèse d'un complot étranger serait la bienvenue pour faire taire les détracteurs. Mais la Tunisie a besoin de plus d'efficacité dans la gestion du problème sécuritaire, dont la résolution est la base de la réussite de la transition. Sans sécurité, pas de reprise économique ni touristique.