Le bilan de la catastrophe sera lourd : 1391 morts, des milliers de blessés et des dégâts matériels considérables. Les 32 communes de la wilaya seront déclarées, par arrêté interministériel du 24 mai 2003, sinistrées. Le sinistre n'a épargné aucun secteur. Celui de l'habitat sera le plus durement touché : 95 243 logements, soit 84% du parc logement de la wilaya, seront endommagés à des degrés divers. Le secteur de l'éducation se verra amputer de 40 établissements, totalement effondrés, alors que 372 autres écoles sur les 432 dont dispose le département ont été ébranlées. Les secteurs de l'enseignement supérieur, de la formation professionnelle, de la santé, de l'hydraulique et de l'énergie ont également été sinistrés. 69 blocs de l'université ont été touchés, des CFPA sont tombés en ruine, des polycliniques et salles opératoires sont endommagées, l'hôpital de Thénia est effondré à 90%. Les châteaux et réservoirs d'eau, les équipements des stations d'épuration et de traitement des eaux usées, des conduites de gaz et des supports d'électricité n'ont pas été épargnés. A cela s'ajoutent les 206 km de route et les 40 ouvrages d'art endommagés, 8 mosquées détruites et 162 autres endommagées... Bref, aucun secteur n'en est sorti indemne. Par conséquent, il fallait réagir dans l'urgence. Après l'opération de secours, on commence par l'installation de 94 sites de tentes avec 17 818 unités avec une prise en charge médicale, alimentaire, psychologique et administrative de la population sinistrée. Puis vint l'installation de 100 sites de chalets avec 15 467 habitations. L'aménagement des sites à lui seul équivaudra à la viabilisation d'une ville de 100 000 habitants. L'opération de démolition et de déblaiement était le premier pas vers la reconstruction de la zone sinistrée. « A ce jour, il a été démoli 7951 édifices et l'opération pour laquelle 127 entreprises ont été engagées est en voie d'achèvement », a dit le wali de Boumerdès lors de son dernier point de presse (lundi dernier). Peu à peu, les blessures se cicatrisent et l'homme se fait un devoir de faire disparaître les traces de la catastrophe. A travers notamment un programme de reconstruction matérielle et morale. La reconstruction A côté de l'installation de cellules de suivi psychologique de la population, l'Etat a lancé, au début de l'année 2004, un vaste chantier de reconstruction de toute la zone sinistrée. Si pour les 84 377 cas de logements classés en vert 02, orange 03 et orange 04, l'Etat a dégagé des aides destinées à leur réhabilitation et confortement, il n'en est pas de même pour les habitations classées rouge. Totalement effondrées ou à démolir, celles-ci devaient donc être remplacées. Leurs propriétaires avaient le choix entre le relogement, l'aide à la reconstruction ou l'aide à l'acquisition d'un logement. Une fois le recensement de la demande effectué, l'Etat lance un programme de construction de 8482 logements répartis sur la quasi totalité des communes de la wilaya, avec le gros du projet à Ouled Moussa (1700), Boudouaou (800), Bordj Menaïel et Tidjelabine. Jusqu'au 16 mai courant, 1667 logements ont été réceptionnés. La première opération de relogement a commencé en juillet 2005 et a concerné 750 familles sinistrées dont les demeures avaient été classées rouge, rappelle un document de la wilaya. Les autres opérations qui ont suivi ont permis de reloger un total de 2240 familles et le relogement se poursuivra au fur et à mesure que seront réceptionnés les projets. Parmi la population sinistrée, 3850 familles opteront pour les aides à la reconstruction, dont 2079 aides à la construction individuelle, libérées par la CNL, et 1771 autres aides à la reconstruction collective (coopératives). Dans ce dernier chapitre, 826 logements sont en cours de réalisation et 945 autres dossiers sont en cours d'étude. Quant aux aides à l'acquisition de logement, elles étaient au nombre de 41 jusqu'au 16 courant. Les efforts de reconstruction se sont, bien entendu, étendus aux équipements publics : écoles, université, centres de formation professionnelle, ouvrages de l'hydraulique dont 180 km de conduites d'AEP et 100 km de conduites d'assainissement, mosquées (49 réhabilitées à 100% et 2 en cours de reconstruction, le taux d'avancement des travaux est de 60%) en plus des infrastructures administratives et autres. Pour tous ces chantiers, la wilaya a bénéficié d'une enveloppe financière, « toutes sources de financement confondues », insiste un document diffusé il y a quelques jours, s'élevant à plus de 57 milliards de dinars répartis entre les programmes sectoriels de développement (26 milliards de dinars), les plans communaux de développement (1 milliard), les fonds de solidarité nationale (4,5 milliards), le fonds des calamités (4 milliards) et les fonds du logement, payé par la CNL (21,5 milliards). Une somme à laquelle s'ajoute le coût des 8482 logements (13,7 milliards de dinars) et celui des amenées externes (4 milliards de dinars). Soit un coût global de 75 milliards de dinars, un peu plus d'un milliard de dollars. Lacunes et enseignements Cet effort de reconstruction révélera les lacunes et les faiblesses du système. Le problème du foncier a considérablement retardé des projets entiers, comme c'était le cas à Thenia, à Boumerdès, pour le chantier des 520 logements de la cité des 1200 logements, et dans d'autres communes encore. Au cours des travaux, les chantiers feront face à un déficit en main d'œuvre qualifiée qui inhibera la quasi totalité des entreprises. De nombreuses entreprises engagées se révéleront totalement inaptes à accomplir leur mission et seront, par conséquent, mais bien après des mois, révoquées et remplacées. Tout comme les entrepreneurs engagés dans les travaux de réhabilitation et dont une grande partie n'a fait qu'« escroquer » l'Etat. Tel qu'elle a fonctionné jusqu'ici, l'administration s'est révélée perméable aux tentatives de fraude : des familles ont pu avoir droit à plus d'un chalet et plus d'une aide de l'Etat. Mais petit à petit, « la wilaya s'est dotée de moyens nécessaires pour faire face à pareilles situations et éviter les cas de fraude ». Aussi mettra-t-on à profit le fichier informatique pour lancer une opération d'assainissement et débusquer les fraudeurs. Le wali de Boumerdès, Ali Bedrici, a déclaré à ce sujet que l'opération de contrôle lancée il y a quelques mois grâce aux moyens informatiques a touché près de 100 000 dossiers et révélé 6396 cas irréguliers (6% du chiffre global), soit des citoyens qui ont bénéficié de plus d'une formule d'assistance. 3000 d'entre eux ont été contraints de rembourser et près de 500 l'ont déjà fait. Le contrôle a aussi touché l'attribution des chalets, et là on saura que 195 familles en ont occupé plus d'un. Une autre opération de contrôle est prévue dès la fin juin et qui visera l'évacuation des chalets par tous ceux qui auront été relogés. Car jusqu'ici, les chalets représentent le chapitre qui pose peut-être le plus de problèmes aux autorités de la wilaya. Des citoyens qui en ont bénéficié et dont les habitations ont été complètement réhabilitées, aux frais de l'Etat, refusent de sortir des chalets qui devraient revenir de droit aux cas sociaux. Mais le wali se veut ferme et catégorique : tout citoyen qui aura bénéficié de l'aide de l'Etat sera obligé de libérer le chalet au début de cet été. Pour les pouvoirs publics, « la durée de vie de ces chalets est limitée (10 à 15 ans) ». Ce qui laisse supposer que les 94 sites répartis sur tout le territoire du département disparaîtraient d'ici là. Mais rien n'est aussi évident : ces sites, dont beaucoup se trouvent sur des assiettes amputées à la surface agricole utile, semblent s'inscrire dans la durée. Tout au long du littoral, il s'en trouve d'autres situés dans le périmètre des zones touristiques à promouvoir. A l'avenir, les chalets seront gérés par l'OPGI qui prélèvera sur leurs occupants une location symbolique. Au demeurant, le séisme de mai 2003 a immédiatement impliqué la révision du zonage sismique et a révélé nombre d'insuffisances auxquelles il a fallu, ou il faudra, remédier. Etat des lieux 3 ans après Tout le monde est d'accord que les pouvoirs publics ont globalement bien pris en charge les sinistrés du séisme de mai 2003 et que les autorités locales ont, d'une manière générale, aussi bien accompli leur tâche. On donne souvent l'exemple d'autres pays frappés par des catastrophes naturelles et dont les populations sont restées sans une réelle prise en charge durant des années. Des manques, il y en a certes. Des chantiers de reconstruction très en retard par rapport aux délais initiaux, des omis, des citoyens qui se disent injustement écartés ou qui réclament d'être classés dans une catégorie plus assistée que celle où les a mis le CTC... Mais là encore le wali a rassuré que son administration est prête à revoir tous les cas des citoyens qui se disent écartés. Durant ces trois années, la wilaya a étudié des milliers de recours émanant de citoyens qui contestent la décision du CTC ou qui se plaignent d'avoir été ignorés, oubliés. Cependant, la remise en l'état des lieux ne s'est pas arrêtée. De 84% du parc logement de la wilaya endommagé il y a trois ans, Boumerdès est en passe d'en faire 84% d'habitations totalement rénovées. Surtout que les nouvelles constructions sont conçues selon des normes antisismiques. Des cités modernes sont bâties dans la plupart des communes de la wilaya, à l'image de celles de Boudouaou, Ouled Moussa, la Sablière, Tidjelabine et les Issers. Bordj Menaïel, Thenia, Zemmouri : la difficile reconstruction Un des plus grands problèmes auxquels sont confrontées les autorités demeure incontestablement la reconstruction des centres-villes. Les problèmes liés la propriété, l'état d'indivision du bien, la nature du contrat de location entre commerçants et habitants ou propriétaires continuent de se dresser comme un obstacle devant l'effort de reconstruction. Cela pose à la fois le problème de logement pour les locataires et celui des locaux pour les commerçants. Le wali a déclaré dernièrement que plusieurs réunions ont été tenues avec les commerçants et les propriétaires des locaux du boulevard Amirouche de Bordj Menaïel en vue de concilier les positions des deux parties en vue d'une solution définitive, mais en vain. Car les deux parties campent sur leurs positions. A Thenia, des lenteurs administratives ont fait que le programme de reconstruction est retardé jusqu'à ce jour. Ce qui inquiète les sinistrés de la commune qui ne voudraient pas aller dans d'autres localités de la wilaya. Le P/APC nous a déclaré il y a quelques jours que le programme de reconstruction devrait commencer dès le mois de juin.