Abritant la principale manifestation de la «journée de la colère» décrétée par la Coordination de défense des droits des chômeurs (CNDDC) dans plusieurs wilayas du pays, Ouargla n'a pas réédité le rassemblement du 14 mars sur la place «Tahrir». Quelque 300 personnes ont pris part à la manifestation qui a duré deux heures sous le regard vigilant des forces de l'ordre qui ont quadrillé le secteur. La marche qui s'est ébranlée vers 11h30 a été prestement empêchée, l'intervention de Tahar Belabès pour dissuader ses compagnons d'outrepasser les cordons de policiers postés sur les deux côtés de la place a visiblement évité une confrontation musclée avec la police, dont les instructions de bloquer la marche par tous les moyens ont été appliquées à la lettre en moins d'une heure. Si la «journée de la colère», annoncée depuis plusieurs semaines par la Coordination nationale de défense des droits des chômeurs, n'a pas réussi à mobiliser les foules comme les fois précédentes, celle-ci n'a pas manqué de virulence envers l'administration que Tahar Belabès accuse d'avoir torpillé son mouvement vu la faiblesse de la mobilisation. Les organisateurs expliquent le fait par «les menaces qui n'ont cessé de pleuvoir à travers plusieurs canaux officiels et officieux depuis l'annonce de la manif', le temps a joué contre nous», argumentent-ils tout en dressant un bilan empreint d'un positivisme qui se veut rassurant pour leurs bases quant à la suite de la lutte. D'importants dispositifs sécuritaires ont entouré les manifestations que les autorités ont réussi à circonscrire dans des carrés maîtrisables. Plus de 20 000 agents de l'ordre ont été déployés dans les wilayas concernées où des agents armés de matraques étaient bien visibles. A Ouargla comme à Ghardaïa, Laghouat, El Oued et Bordj Bou Arréridj qui ont organisé les plus importants regroupements, plusieurs dizaines de chômeurs ont réentendu un discours empreint de défis et de revendications, soulignant «la détresse et la colère qui animent des jeunes sans perspective au moment où les mesures mises en place par le gouvernement ont prouvé leurs limites dans un contexte socioéconomique difficile, ce qui dénote d'un manque de vision et de planification». Défenseur des droits de l'homme, Abdelmalek Aïbek a accusé le gouvernement «de vouloir brader le présent et le passé de la jeunesse en maintenant les droits fondamentaux au travail, au logement et au développement au stade de rêves inaccessibles». Tahar Belabès n'a pas manqué de souligner que «malgré la faiblesse du nombre de manifestants, le mouvement a gagné en qualité puisque les opportunistes de tous bords savent qu'ils n'ont plus de place parmi les chômeurs depuis qu'ils ont été découverts sous leur vrai jour». Parmi les idées fortes de ce rassemblement, l'appel à la solidarité entre chômeurs dans un mouvement politique cette fois-ci pour revendiquer la souveraineté du peuple sur ses richesses, l'idée exprimée par Tahar Belabès semble indiquer une tendance ancrée depuis mars dernier, à savoir le rejet de toute représentativité aux élus et à la classe politique en général, d'où l'appel à la création d'une nouvelle mouvance incluant les exclus de la société. L'autre idée motrice de ce rassemblement est l'organisation d'actions de désobéissance civile, notamment par le blocage de sites pétroliers, d'aéroports, des frontières, a déclaré Tahar Belabès, qui n'a pas manqué de souligner : «Ils menacent de nous tabasser, de nous emprisonner ? Qu'à cela ne tienne, nous vivons déjà dans une grande prison sans droits et sans dignité, nous sommes habitués à la matraque.» Le leader de la CNDDC s'est dit indigné par «les tentatives de sabordage de l'administration qui a réussi à s'infiltrer dans nos rangs. Mais je dis à qui veut bien m'entendre, nous abordons une bataille d'opinion publique et nous ne nous laisserons pas faire».