Près de dix-huit mois après le crash du Boeing 737-200 d'Air Algérie, survenu à Tamanrasset le 6 mars 2003, les familles des 103 victimes qui ont péri pourront peut-être connaître la vérité. En effet, la commission nationale chargée d'enquêter sur ce tragique accident rendra publiques demain ses conclusions finales, après avoir, il y a une année, publié un rapport préliminaire. Composée de représentants d'Air Algérie, de l'Entreprise nationale de l'aviation civile et du ministère du Transport, cette commission a fait appel à de nombreux experts, notamment français du Bureau d'expertise aéronautique (BEA), américains de la Federal Aviation Administration (FAA), du Bureau fédéral des investigations en matière de sécurité aéronautique (NTSB) et de Boeing, ainsi qu'à des spécialistes belges et britanniques du bureau d'expertise Pratt and Withney pour mener ses investigations. Dans son rapport préliminaire, elle a affirmé que « l'aéronef ne présentait aucune défaillance en matière de maintenance » et privilégié « la thèse d'une défaillance du moteur gauche qui semble être la cause principale de l'accident », tout en précisant « que tous les experts ont demandé plus de temps pour terminer leurs investigations techniques et avoir l'origine exacte du crash ». Ces révélations ont suscité la réaction de nombreux spécialistes du domaine de la sécurité aérienne. « Il s'agit d'une commission qui fait office de juge et partie en même temps, donc ses conclusions pourraient être partiales... » D'autres critiques ont été faites au sujet de l'enquête elle-même qui porte, selon toujours certains spécialistes, « uniquement sur le volet technique puisqu'elle a écarté totalement celui des conditions de sécurité aérienne dans nos aéroports. De plus, à ce jour, on ne connaît pas le contenu des boites noires, un élément d'une importance majeure dans la recherche de la vérité ». Ces critiques ont poussé l'Assemblée nationale populaire à installer une commission d'enquête parlementaire avec pour mission de « s'informer sur ce qui s'est réellement passé en ce jeudi 6 mars 2003, lorsque le Boeing, et à son bord 103 personnes, s'est écrasé quelques minutes seulement après son décollage de l'aéroport de Tamanrasset et vérifier, par la même occasion, si les conditions de sécurité du transport aérien étaient respectées lors de ce vol ». Dirigée par M. Boullil, ancien ministre des Transports, et aidée par un expert de la sécurité aérienne, cette commission s'est déplacée à Tamanrasset et a écouté toutes les parties ayant été impliquées, de près ou de loin, dans la gestion de cette tragédie. A ce jour, son rapport n'a pas encore été livré à l'opinion publique. Contacté hier, M. Boullil a déclaré qu'« il ne s'agit pas d'une enquête proprement dite, mais d'une mission d'information sur les circonstances du crash à travers laquelle nous voulions aussi vérifier s'il y a eu respect ou non des mesures de sécurité en matière de navigation aérienne ». M. Boullil a tenu à affirmer qu'« il n'est pas question de faire une contre-expertise, mais nous voulons juste que la vérité soit dite sur cette affaire pour que plus jamais ce genre d'accidents n'aient lieu. Nous ne savons toujours pas s'il y a eu ou non une erreur humaine ». A propos du rapport de la commission parlementaire, M. Boullil s'est refusé de donner des détails. Il est important de signaler que les deux commissions (parlementaire et nationale) ont la particularité de focaliser sur la recherche de la faille technique responsable du crash, alors que de nombreux spécialistes s'accordent à revendiquer une expertise totale de la sécurité aérienne en Algérie. Pour ce qui est de la responsabilité pénale, le parquet de Tamanrasset, qui a ouvert une information judiciaire pour homicide involontaire, n'a toujours pas rendu publics les résultats de son instruction. Laissant les familles des victimes dans le désarroi le plus total. Peut-on espérer lever le voile, demain, sur cette tragédie qui a endeuillé 102 familles algériennes ?