Décrétée par le président Bouteflika en mai dernier, la première Journée nationale de la presse sera célébrée aujourd'hui. Des médias, publics notamment, se sont efforcés, depuis quelques jours, à préparer cet évènement qui correspond, selon le décret présidentiel promulgué le 19 mai 2013, à la date de parution du premier numéro du journal La Résistance algérienne, le 22 octobre 1955. Des conférences-débats et des cérémonies officielles sont prévues, mais le sens de cette journée reste énigmatique. Ni le décret en question ni les responsables du ministère de la Communication n'ont expliqué, à l'opinion, le but visé à travers l'institution d'une Journée nationale de la presse. Du coup, les professionnels des médias se posent déjà une question : que peut signifier cette journée pour une presse nationale qui continue de lutter pour arracher sa liberté ? L'interrogation est légitime, d'autant plus que la résistance de la presse indépendante, depuis 1990, bute en permanence sur un pouvoir qui refuse de s'accommoder avec la liberté d'expression. La situation ne s'améliore guère, tant dans la pratique que dans les textes législatifs. La révision de la loi sur l'information, dans la foulée des réformes politiques décidées par le chef de l'Etat en 2011, était en deçà des espérances des journalistes et des citoyens qui continuent d'exiger le respect du droit à l'information. Un droit qui repose, particulièrement, sur la liberté d'accès aux sources d'information qui n'est malheureusement pas consacrée par le texte en question. En effet, plusieurs domaines sont interdits d'accès aux journalistes. Il s'agit, selon l'article 84 de la loi, de l'information concernant le secret de défense nationale tel que défini par la législation en vigueur, l'information portant atteinte à la sûreté de l'Etat et/ou à la souveraineté nationale de façon manifeste, le secret de l'enquête et de l'instruction judiciaire, le secret économique stratégique et l'information de nature à porter atteinte à la politique étrangère et aux intérêts économiques du pays. En plus de l'accès à l'information, l'ouverture du secteur audiovisuel au privé, souligné dans le même texte, vient d'être torpillé. Le contenu du projet de loi sur l'audiovisuel, adopté fin septembre dernier par le Conseil des ministres, ne tolère que la création de chaînes de télévision thématiques. Le champ audiovisuel reste donc limité. L'initiative privée est ainsi freinée et cela constitue un important recul du pouvoir sur ses propres engagements. Il ne veut pas, visiblement, perdre le contrôle sur un secteur aussi sensible que l'audiovisuel qui dispose d'une forte influence sur l'opinion publique. L'absence de volonté politique de libérer le champ médiatique est manifeste, comme le souligne l'ancien ministre de la Communication, Abdelaziz Rahabi (lire notre interview). Sur le plan de la pratique, la presse écrite rencontre encore plusieurs embûches. Les titres qui refusent de «rentrer dans les rangs du pouvoir» subissent différents types de pressions, notamment financières. Alors que les titres dits proches de certains cercles du pouvoir sont engraissés par la manne publicitaire, les «récalcitrants» sont asphyxiés et même menacés de suspension pour faute «de paiement des factures d'impression». Même les journalistes et les chroniqueurs sont désormais intimidés pour les contraindre à «l'autocensure», qui est le plus grand danger pour la liberté de la presse. Pourquoi alors consacrer une journée à la presse nationale, si on lui refuse toute volonté d'émancipation ?