Sa nomination hier à la tête du gouvernement a dû surprendre plus d'un. Non pas que Abdelaziz Belkhadem ne réponde pas au profil recherché par Bouteflika dont il est l'exécutant discipliné. Mais que cela marque pour l'Algérie la fin d'une époque, d'une politique et d'une stratégie politique. Abdelaziz Belkhadem, qui traîne depuis belles lurettes la casserole peu glorieuse de « barbefélene » étant d'extraction politique islamiste, passait, il n'y a pas longtemps, pour quelqu'un dont la république devait se méfier. Ses accointances avec l'Iran des mollahs et ses sympathies jamais démenties pour les Fisistes algériens projetaient de lui l'image d'un homme dangereux qui cadrait mal avec le discours éradicateur ambiant. En 1992, au lendemain de la démission de l'ex-président Chadli, les décideurs préféreront d'ailleurs confier l'intérim au président du Conseil constitutionnel, Abdelmalek Benhabyles, pour éviter que Belkhadem, alors président de l'APN, n'hérite du fauteuil présidentiel, même à titre temporaire. Les temps ont changé. Les politiques aussi. Les torrents de sang et de larmes versés par le peuple algérien et qui ont mis en veilleuse des hommes politiques comme Belkhadem ont cédé la place aux « délices » de la réconciliation. Et, fatalement, à une nouvelle politique, nouvel homme. Abdelaziz Belkhadem est revenu au-devant de la scène avec le retour de Bouteflika, à qui il doit absolument tout. On prête même à Bouteflika d'avoir tenté d'imposer en 1999 déjà Belkhadem à la chefferie du gouvernement, mais que les responsables militaires d'alors lui avaient signifié leur opposition. Il est, cependant, clair que Bouteflika n'a jamais fait le deuil de son désir d'introniser son poulain. Et la concorde civile, qui était la première main tendue aux terroristes, était quelque part aussi une autre perche tendue aux islamistes en costume, comme Belkhadem. Et le fait que les résultats de cette initiative présidentielle aient été en deçà des espérances a sans doute donné à réfléchir à Bouteflika, qui s'y était particulièrement investi. C'est, d'ailleurs, la raison qui a poussé le chef de l'Etat à décréter son projet de « charte pour la paix et la réconciliation », histoire de compenser les ratés de la concorde civile. Abdelaziz Belkhadem a alors commencé à sortir de l'ombre pour servir de porte-voix à Bouteflika dans sa quête de soutiens. Et c'est naturellement que ce dernier le charge de mener la mission qui consiste à « récupérer » le FLN version Benflis, qui a viré à l'opposition à la veille de la présidentielle d'avril 2004. « Redresseur » en chef, Belkhadem a réussi l'incroyable pari de remettre l'appareil sur un plateau d'argent à Bouteflika, qui n'en demandait pas plus pour décrocher son deuxième mandat. Patient, Belkhadem sait que son heure finira par arriver, tôt au tard. A trois années de la présidentielle 2009, l'heure a sans doute sonné pour lancer la machine électorale. Bien qu'il n'ait pas exprimé officiellement son désir de briguer un troisième mandat, Bouteflika le fait dire assez souvent par la voix de son ami Belkhadem. Ce n'est d'ailleurs pas fortuit de constater que ce dernier ait transformé son parti en gouvernement parallèle en planchant depuis une année sur un projet de révision de la Constitution. Pourquoi faire ? Simplement que celle de 1996 ne permettrait pas au locataire du palais d'El Mouradia de postuler une nouvelle fois à la magistrature suprême. Il faut donc tailler une Constitution sur mesure à Abdelaziz Bouteflika. Mieux encore, alors que la mode dans tous les pays du monde est à la réduction de la durée des mandats présidentiels pour consacrer l'alternance au pouvoir, Belkhadem propose dans son projet un... septennat. Ahmed Ouyahia, qui a dit tout le « bien » qu'il pense de ce projet, devait donc naturellement céder sa place à celui qui devra le mener à bon port. Auparavant, le nouveau chef du gouvernement, qui, soit dit en passant, a demandé le limogeage de Ouyahia sous prétexte d'assurer la neutralité des élections législatives en 2007, devra justement veiller à ce que le FLN, son parti, sorte grand vainqueur pour servir de machine électorale au service de Bouteflika en 2009. C'est dire que la partition sera bien jouée par un nouveau chef d'orchestre qui va sans doute amuser la galerie, au grand plaisir du maestro. D'ici à 2009, tout semble réglé comme du papier à musique... Biographie Abdelaziz Belkhadem, nommé hier par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, chef du gouvernement, est né le 8 novembre 1945 à Aflou (Laghouat). Titulaire d'un diplôme d'études supérieures, Abdelaziz Belkhadem exercera pendant trois ans (1964-1967) comme inspecteur des finances, avant de faire une carrière dans l'enseignement en devenant professeur entre 1968 et 1971. Il rejoint la présidence de la République pour occuper entre 1972-1977 le poste de directeur-adjoint des relations internationales. En 1977, il a été élu député FLN de Tiaret à l'Assemblée populaire nationale (APN). Il a été réélu plusieurs fois au même poste, tout en étant rapporteur de la commission Plan et finances, puis président de la commission Education, formation et recherche scientifique. Entre 1988 et 1990, il a occupé le poste de vice-président de l'APN. Après la démission de Rabah Bitat de la présidence de l'APN, il est désigné à la tête de cette institution jusqu'à sa dissolution en 1992. Abdelaziz Belkhadem a été également de 1991 à 1997, membre du bureau politique du FLN. Il est nommé ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères en juillet 2000. Après avoir été reconduit à plusieurs reprises à ce même poste (31 mai 2001, 17 juin 2002, 9 mai 2003 et 26 avril 2004), il est nommé, le 1er mai 2005, ministre d'Etat, représentant personnel du chef de l'Etat. Coordonnateur de l'instance transitoire de coordination du parti, M. Belkhadem est élu le 2 février 2005, secrétaire général de l'instance exécutive du FLN, à l'issue des travaux du 8e congrès réunificateur du parti. (APS)