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Une commune cernée de bidonvilles
Gué de Constantine
Publié dans El Watan le 02 - 11 - 2013

C'est à Gué de Constantine que se trouve le plus grand bidonville d'Algérie.
Connu sous le nom de Ramli, le site est accessible du côté nord à partir du rail. Le bidonville n'est guère visible, seules quelques toitures des premières mansardes apparaissent, ne reflétant nullement la réalité. Tel un arbre qui cache la forêt, le bidonville est tentaculaire. On y accède par de petites brèches qui se trouvent sur le muret séparant la route nationale du chemin de fer. Les incessants va-et-vient des habitants ont creusé des sentiers entre le rail et les venelles du bidonville, signe d'un nombre important d'occupants. L'odeur est insupportable, elle émane d'un cours d'eau, affluent de l'oued El Harrach, dont les berges sont occupées par des baraques à foison. Elles se juxtaposent les unes à côté des autres, dans un alignement qui est loin d'être équidistant.
A vue d'œil, les baraques semblent avoir les mêmes dimensions, avec des portes en tôle ondulée et des murs soit en parpaing, soit en zinc. Le bidonville grouille d'enfants. Certains jouent au ballon dans un vacarme assourdissant, d'autres en bas âge pataugent, près de l'oued, dans la gadoue. Avant même de nous introduire dans le bidonville, des vendeurs de fruits et légumes, installés à proximité de la gare de Gué de Constantine, nous avertissent : «la réputation du bidonville est peu reluisante. Les habitants sont des Béni Hadjras, des voleurs et des mendiants», nous avise-t-on. Toutefois, nos appréhensions se sont vite dissipées à la vue de ces bambins innocents qui couraient dans tous les sens. «Nos enfants ne méritent pas un tel sort», dira un père de famille au chômage, «cela fait sept mois que je n'ai pas travaillé. En plus du chômage, nous devons faire face à des conditions de vie lamentables», poursuit-il. Des jeunes nous abordent pour nous signifier de quitter les lieux, ils pensent que nous sommes des employés de l'APC.
Après un moment de flottement, ils finissent par prendre connaissance de notre identité. «Nous nous sommes installés à Ramli après 2007. Ce n'est pas pour autant que nous ne méritons pas d'être relogés», fulminent-ils, et d'ajouter: «L'APC a tenu compte que des habitants qui se sont installés dans le bidonville avant 2007. Nous sommes tous Algériens et à ce titre nous devons bénéficier des mêmes droits au logement.» L'opération de relogement lancée par la wilaya a plongé certains de ces citoyens dans une expectative angoissante. «Nous ne savons toujours pas quel sera notre sort. Car les listes des bénéficiaires ont été confectionnées sans nous y inclure. D'autres familles ne figurent pas sur les listes, et ce, en dépit de leur présence dans le bidonville avant 2007. Ils ont été simplement oubliés», assurent les occupants.
La commune de Gué de Constantine compte, d'après un élu de l'assemblée, 19 sites de bidonvilles, le plus imposant est celui de Ramli, il compte près de 5000 occupants. Au final, le site compte près de
20 000 âmes, si l'on tient compte des membres de chaque famille. «C'est l'équivalent d'une petite ville», dira un responsable de l'APC. Quant au nombre d'occupants dans les 19 sites que compte la commune, celui-ci avoisine les 10 000 familles.
Essemar, un lieu de négoce
A un jet de pierre du bidonville, l'agglomération arbore des allures de souk. Des centaines de magasins activent dans le créneau du commerce de gros. Les locaux, dédiés à cette activité, occupent une artère principale avec toutes ses ruelles transversales. Les habitants, incommodées par cette situation qui les a des années durant pénalisés, ne cessent de réclamer la délocalisation de ces commerces. «En plus de l'insalubrité générée par ces commerces, nous sommes confrontés au vacarme et à l'anarchie», se plaignent les habitants. Ayant fait l'objet d'une décision de délocalisation émanant de la wilaya, les commerçants n'ont pas voulu rejoindre les nouveaux locaux qui leur ont été désignés. «Les services de la wilaya nous ont affecté des locaux à Boumati. En plus de leur nombre insuffisant, ces locaux ne répondent pas aux normes», affirment les commerçants qui sont dans leur majorité des locataires. «Nous sommes plus de 800 commerçants, or les services de la wilaya nous proposent un nombre de 300 locaux, ce qui est insuffisant», affirment-ils. Outre le problème que posent ces commerces qui proposent à la vente des produits alimentaires, un autre genre de négoce est en passe de prendre de grandes proportions. «Des commerçants de pièces de rechange usagées nous pourrissent la vie», déplorent des habitants. En effet, deux grandes venelles d'Essemar abritent des centaines de locaux dédiés à la vente de pièces détachées d'automobiles. Ils occupent illicitement les trottoirs du quartier. Des déchets et des restes de ferraille jonchent les trottoirs, donnant à ces derniers des allures de décharges publiques. «Ces marchands de pièces détachées ne respectent pas les habitants. Ils jettent leurs détritus n'importe où», diront des résidants.
Des cités sans âme
A Gué de Constantine, l'Etat a construit de véritables cités-dortoirs, à l'instar de Aïn Naâdja, la cité El Hayet ou encore Aïn El Malha. Ces cités ont l'air de forêts d'immeubles manquant cruellement de commodités devant répondre aux besoins des habitants, particulièrement en matière de loisirs. «Mis à part dormir, notre cité n'offre aucune activité», ironise un jeune de la cité El Malha, où de temps à autre des bagarres éclatent entre bandes rivales, et le phénomène tend à prendre des proportions alarmantes. Pas plus tard que la semaine dernière, des échauffourées ont éclaté entre deux bandes de jeunes. Des armes blanches ont été utilisées. La bataille rangée a duré toute une nuit et a fait plusieurs blessés. Parqués dans des immeubles sans vie, ces jeunes n'ont ni centre culturel ni maison de jeunes, passant le plus clair de leur temps dans les cages d'escalier ou dans les allées de leurs cités.
En guise d'occupation, ils s'adonnent à la consommation de drogue et autres stupéfiants. «Les jeunes qui ne sont pas scolarisés consomment tous de la drogue», nous affirme-t-on. Oisiveté, désœuvrement et manque de loisirs, un cocktail explosif qui périodiquement éclate dans des bagarres générales. «Les nouveaux habitants, recasés il n'y a pas si longtemps, affrontent les anciens habitants. Ce sont des jeunes complètement désorientés», nous dira un père de famille.


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