Le calme est revenu, hier, dans la ville de Thenia (Boumerdès) après les émeutes du week-end dernier et les escarmouches d'avant-hier en fin de journée. Mais les éléments des forces antiémeutes étaient encore présents en grand nombre. Ce qui témoigne d'une forte tension encore perceptible dans le discours de ses habitants. Des sages et des notables de la localité se sont impliqués pour que cesse la violence. Ceux-ci ont, en effet, convaincu les jeunes en colère de procéder d'une manière pacifique pour faire aboutir leurs revendications. Les discussions se sont focalisées hier sur la mise en détention préventive de 15 sur les 19 manifestants inculpés et entendus la veille par le magistrat instructeur pour répondre des chefs d'inculpation suivants : destruction des biens d'autrui, destruction des biens de l'Etat, atteinte à corps constitué, incendie volontaire et atteinte à l'ordre public. Ceux-ci ont été transférés à la maison d'arrêt d'El Harrach, plongeant leurs familles dans la détresse. Les habitants de Thenia ont, dès la matinée d'hier, pris contact avec un certain nombre d'avocats en vue de constituer un collectif qui se chargera de leur défense. Beaucoup qualifieront la décision de la justice de « sévère et inattendue ». « On s'attendait sincèrement à un geste d'apaisement de la part de la justice considérant peut-être les circonstances atténuantes. C'est vrai que la violence est condamnable, mais notre commune ne s'est pas encore remise du choc du séisme de mai 2003 qui a fait des centaines de veuves, d'orphelins et de sans-abri et rendu difficile un quotidien déjà très dur », commente un habitant de la ville. Un autre nous dira que « parmi les détenus il y a un ancien professeur d'anglais, âgé de 55 ans, et qui se trouve dans un état dépressif ». Une déclaration destinée à étayer le reproche qu'on fait aux forces de l'ordre, celui d'avoir « arrêté, dans la foulée, des innocents ». Notre interlocuteur ajoute qu'un autre détenu « avait perdu lors du séisme 5 membres de sa famille : sa mère et ses quatre sœurs. Il s'est retrouvé par conséquent le chef de ce qui reste de sa petite famille ». « Un vent de colère a soufflé sur la commune et comme le mécontentement couvait depuis longtemps (puisque à plusieurs reprises les citoyens de Thenia sont sortis bloquer même l'autoroute à la circulation durant ces deux dernières années), toutes les conditions étaient réunies pour qu'il y ait de l'escalade. Il y a des parties qui ont poussé les choses à ce stade », dira un autre habitant. Celui-ci trouve aussi « trop sévère la décision de mettre quinze accusés en prison, privant des familles entières de leur soutien, après les avoir poussés, en quelque sorte, à réagir de la sorte ». « On nous dira que c'est une décision de justice sanctionnant des actes réprouvés par la loi, mais nous savons qu'on aurait pu être plus clément », ajoutera-t-il. Pour rappel, les manifestations ont éclaté jeudi en fin de journée à la sortie des supporters du club local du stade après un rencontre de leur équipe avec celle de Lakhdaria. Mais les manifestants, qui ont brandi des revendications sociales, des postes d'emploi, des logements, la prise en charge des sinistrés, des programmes de développement pour la commune, entre autres, refusent qu'on associe leur mouvement au match de foot-ball. « Celui-ci n'était qu'une occasion pour que les mécontents se rencontrent », commente-t-on. Le maire de Thenia a affirmé, hier en fin de journée, que lui, ses collaborateurs et d'autres habitants influents de la ville « font tout pour apaiser les esprits ». « Le message de cette jeunesse révoltée est reçu, très bien reçu. Sauf que par souci de ne pas envenimer la situation, nous préférons laisser passer la vague de colère pour lancer un débat de fond avec nos concitoyens. Je suis en concertation avec toutes les parties concernées pour mener des actions en direction de notre population afin d'améliorer son quotidien. L'espoir de voir libérer les jeunes arrêtés demeure et nous nous attendons à un geste d'apaisement, malgré tout », conclut le P/APC. Le wali de Boumerdès, lui aussi, s'est dit à l'écoute de cette population. Après la libération de leurs enfants, les habitants de Thenia voudraient voir des « programmes de prise en charge sur différents plans ».