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«Le PDAU n'intègre ni les grands projets ni les grandes ambitions pour Constantine !» Wissem Meziane. Architecte, spécialiste des questions juridiques (université de Constantine III)
-Les désagréments et les résultats mitigés font croire que les grands projets de modernisation de Constantine sont conçus et réalisés avec peu de cohérence. Qu'en pensez-vous ? C'est exact. D'abord, c'est dommage que les actions de modernisation ne puissent être réellement évaluées qu'une fois totalement achevées et cette grande tare est due à l'absence de planification et de coordination. La planification urbaine suppose de poser la question : comment sera Constantine dans 20 ans ? Une fois qu'on a réalisé l'étude technique, il faut lui donner la forme juridique du PDAU (Plan directeur d'aménagement urbain, ndlr) ? En Algérie hélas, on ne prend pas au sérieux cet aspect. L'Urbaco (bureau d'études, étatique local, ndlr) travaille sur la grille des besoins de première nécessité (logement et emploi), et oublie les projets structurants. D'ailleurs, tous les grands projets ont été réalisés en dehors du cadre règlementaire de planification et d'aménagement urbain. Même le nouveau PDAU en cours d'élaboration n'intègre ni les grands projets ni les grandes ambitions pour Constantine ! -Pouvez-vous citer des exemples ? L'exemple le plus dramatique c'est la ville universitaire de 52 000 places pédagogiques érigée dans un environnement urbain où on n'a prévu ni zone industrielle ni pôle économique capables d'absorber au moins une partie des futurs diplômés. Autre aberration, la démilitarisation ne se fait pas parce qu'on ne sait pas quoi faire des sites récupérés. La caserne de la Casbah, rétrocédée par l'ANP, ne trouve pas encore de sérieuses propositions pour une réaffectation civile. D'autres sites pourraient être récupérés et se prêtent fort bien à l'accueil d'importantes infrastructures que l'on a de la peine à caser, comme le pôle culturel qui, hélas, a fini par être implanté à Aïn El Bey, sur un terrain excentré. -Constantine a eu des plans exemplaires par le passé… Oui. Pour mettre en place le plan de Constantine, l'administration coloniale a fait appel à l'urbaniste Calsat. C'est lui qui a planifié, par exemple, Bellevue les jardins, qu'on appelle aujourd'hui Fadela Saâdane et Filali. Il y avait aussi Sidi Mabrouk supérieur et inférieur et Sidi Mabrouk les ateliers qu'on appelle actuellement Daksi, par référence aux ateliers des chemins de fer. On voit ici qu'il y a toujours le souci de l'équilibre entre la fonction économique et tous les grands équipements (université, hôpital El Bir, la gare routière, le stade…) qui ont été implantés entre 1962 et 1982. Une fois ce plan exécuté, il fallait élaborer un nouveau plan d'urbanisme directeur. Donc, au milieu des années 1980, l'Algérie a eu recours aux urbanistes tchèques à l'époque où l'université algérienne formait seulement des architectes. Avec la collaboration de l'Urbaco, les Tchèques ont produit une idée enthousiasmante : transformer la vieille ville et la ville coloniale en un centre touristique et culturel ; d'ailleurs sur le site militaire de la Casbah, ils prévoyaient de restaurer Souika et de réaliser un hôtel de luxe et un centre de loisirs. Leur plan avait osé aussi une idée téméraire : déplacer les directions et les services administratifs sur le plateau de Mansourah, là où se trouve le QG de la 5e Région militaire et un ensemble d'administrations du commandement militaire. La démilitarisation du périmètre urbain était à la mode à cette période. A Montpellier, les Français avaient réalisé l'opération Antigone, un chef-d'œuvre d'urbanisme et d'architecture réalisé sur des terrains militaires récupérés. L'étude envisageait aussi d'ériger un centre d'affaires sur le site du Bardo, et c'est à cette époque que le projet d'un nouveau pont enjambant le Rhumel est né afin de relier la vieille ville au nouveau centre administratif. A partir de 2000, le président de la République a demandé à toutes les villes de se moderniser. C'est dans ce sens qu'en 2006, à l'occasion du Salon de l'immobilier, l'Urbaco avait proposé de nombreux projets : tramway, téléphérique, transrhumel… c'était les projets des Tchèques qu'on avait dépoussiérés. -Que peut-on craindre le plus ? L'échec planifié. La pire des situations c'est de voir le transrhumel aboutir sur le tramway, au niveau du rond-point du secteur militaire. Ce sera dix fois plus grave que les bouchons créés par le tramway et la trémie de Daksi.