Lots de terrain, un conseil commun des sages et des vœux presque pieux ; plusieurs semaines après les incidents de Ghardaïa, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a enfin dévoilé, jeudi à Alger, sa recette pour éteindre le brasier qui enflamme Ghardaïa depuis plusieurs semaines. Mais visiblement, la pilule ne passe pas. Après avoir reçu un groupe de députés du FFS, Abdelmalek Sellal a «convoqué» deux délégations représentant chacune les deux communautés en conflit. Pour ne rien rater de ce cérémonial qui s'est déroulé derrière les murs du palais du Docteur Saâdane, les services du Premier ministère ont veillé à sauvegarder les symboles, puisque chacune des deux équipes est composée de 12 membres. De la pure forme ? Possible. Mais dans le fond, Abdelmalek Sellal avait déjà préparé sa feuille de route. Le Premier ministre, invité par Abdelaziz Bouteflika à trouver une solution aux confrontations répétitives entre Arabes et Mozabites, a préféré la solution économique. Alors que des représentants de la population demandent un traitement politique à la crise, Abdelmalek Sellal a préféré donner des lots de terrain. Croyant sans doute à une crise purement sociale, le représentant du gouvernement a donc mis la main à la poche pour calmer les esprits. Puisque, en plus des 30 000 lots de terrain répartis entre toutes les daïras de la région, le gouvernement a promis d'indemniser, par le biais du ministère de la Solidarité, les citoyens dont les maisons ou les commerces ont été endommagés suite aux actes de violence. Mais ni le conflit intercommunautaire, encore moins la mise à l'index des services de police dans le traitement des événements n'ont été évoqués publiquement. Les citoyens de la vallée du M'zab ne semblent pourtant pas agréer cette initiative. «Le pouvoir dialogue avec lui-même», s'indigne Kamel Eddine Fekhar, militant local des droits de l'homme. «Nous ne comprenons pas sur quelle base le pouvoir veut gérer cette crise. Le Premier ministre semble oublier qu'il y a eu des blessés, des profanations de cimetières et, pire, un parti pris flagrant de la police locale», s'est insurgé le médecin, joint hier par téléphone. Scepticisme de la population Avant tout dialogue, Kamel Eddine Fekhar réclame des «excuses officielles et publiques du président de la République suite aux dépassements de la police». Le militant demande également «une commission d'enquête internationale». Quid des solutions proposées par le gouvernement ? Fekhar tempête que «les habitants du M'zab ne demandent pas l'aumône. Ils veulent du respect». Comme beaucoup d'autres citoyens de la région, Kamel Eddine Fekhar ne reconnaît pas les délégués partis voir le Premier ministre. Avant cette rencontre entre les représentants du gouvernement et les habitants de Ghardaïa, les notables de la communauté mozabite avaient mis en place une cellule de coordination composée de quatre personnes. Ces dernières sont chargées de représenter la communauté auprès des autorités gouvernementales. Mais il paraît qu'aucune des quatre personnes n'a fait partie de la délégation reçue par Abdelmalek Sellal. Parallèlement à cette rencontre avec des «représentants» de la population locale, Abdelmalek Sellal avait rencontré, jeudi, une délégation de parlementaires du FFS. Ces derniers avaient déjà envoyé, en décembre dernier, une commission chargée d'enquêter sur les événements de Ghardaïa. Des affrontements, souvent violents, ont opposé, depuis décembre 2013, les deux communautés qui habitent la région de Ghardaïa. Les Mozabites accusent les Arabes d'avoir attaqué leurs commerces et habitations. La police est également pointée du doigt et accusée de partialité par la communauté mozabite, ce que réfute la DGSN.Bilan de ces affrontements pour l'instant : un mort et de près de 200 blessés, dont 3 sont toujours dans le coma.