A quelques semaines d'une échéance électorale qui serait à même de déterminer le sort de tout un peuple, nous lançons cet appel à tous les algériens patriotes et, surtout, aux hommes et aux femmes qui, dans les différentes sphères de responsabilité, ont prêté le serment de servir l'Algérie et son peuple. L'Algérie est arrivée aujourd'hui à un point décisif de son histoire d'Etat-Nation. Après plus d'un demi-siècle d'indépendance, la République algérienne, rêvée et voulue par nos glorieux martyrs, est à une étape charnière de transmission générationnelle. L'élection du président de la République revêt une importance capitale eu égard aux pouvoirs de celui-ci dans l'architecture de l'Etat, selon les termes de la constitution. Toutefois, selon ces mêmes termes, les élections législatives et locales devraient être tout aussi importantes, sinon plus, car elle sont l'outil dont dispose le peuple pour mettre en place des contre-pouvoirs et des garde-fous indispensables pour le renforcement des fondements de la République et le bon fonctionnement de ses institutions. Or, en Algérie, les «événements» électoraux ont fini par secréter l'effet inverse : des élections et des référendums de plus en plus rapprochés dans le temps, aux résultats connus d'avance car pollués à chaque fois par des irrégularités diverses et des relents de fraude systémique aboutissent, aujourd'hui, à un désintérêt dangereux des électeurs pour la chose politique en général et pour l'élection du président de la République en particulier. Une élection qui a lieu dans les délais impartis constitutionnellement mais sans la réunion des conditions nécessaires d'une véritable implication citoyenne, de l'ouverture du champ politique et de manière générale des garanties de régularité ne permet pas au peuple de choisir ses représentants mais permet, au contraire, à ceux qui s'autoproclament représentants et dirigeants du peuple de déterminer les conditions de ce que serait leur triste victoire au détriment de celle du peuple. Les processus électoraux se sont graduellement transformés, ces quinze dernières années, en une sorte de chantage offrant le choix entre pseudo stabilité et statu quo d'une part, et changements incertain et supposément risqués d'autre part. Ceci est tout simplement inconsistant avec l'essence même de la République. Après un demi-siècle d'existence, la génération au pouvoir est en voie de s'éteindre, cédant sa place non par consentement mais par la force de la nature, des événements et du temps, à une autre génération. Les générations post-indépendance, jeunes et porteuses d'espoirs pour un pays qui se doit aujourd‘hui de redéployer ses ressources pour pouvoir enfin se projeter dans un nouveau siècle, est prête, formée et est dans l'attente de reprendre le flambeau, tout en affirmant son impératif attachement aux valeurs fondatrices de la République, de la lutte pour l'indépendance et la de libération. Or, la configuration du jeu politique en cette période préélectorale est à l'encontre de cette option de passage intergénérationnel. Le climat à l'approche de l'élection du président de la République permet d'entrevoir deux issues possibles : une stabilité toute temporaire en bradant les acquis démocratiques, ou le progrès vers la liberté au prix de l'instabilité et des incertitudes. Les dirigeants actuels s'érigent en garants de la stabilité et leurs challengers sont traités d'aventuriers et d'apprentis. Or, le choix ne devrait pas se limiter à ce dilemme simpliste, mais devrait se situer entre la nécessaire réforme en profondeur des règles démocratiques ou la déstabilisation du pays à cause du refus obsessionnel des tenants du pouvoir à passer la main. Cet entêtement à opérer cette transmission a déjà bien affaibli les fondements de la République depuis l'ouverture du champ politique et associatif à la fin des années 1980. Bien que les acquis démocratiques et sociaux aient été sauvegardés au prix de luttes permanentes et tues, du mouvement incessant des lignes et des équilibres fragiles et instables, il n'en demeure pas moins que le point de rupture est aujourd'hui atteint étant donné que le statu quo ne peut plus perdurer ni être reproduit car la nature et la biologie ont aussi leur mot à dire. La source d'instabilité aujourd'hui n'est pas l'exigence des forces patriotiques de rompre, une fois pour toute, ces équilibres fragiles et temporaires. L'instabilité se nourrit du refus du changement et des réformes vidées de toute substance. Les risques que les uns lient aux conséquences du changement et de la réforme ne sont que les prétextes qu'ils opposent au changement positif. Sans détour ni édulcorations, nous affirmons que l'ouverture du système politique est désormais une nécessité stratégique. Le refus même du changement est un changement négatif.Le contexte actuel permet de mettre en exergue l'existence de nombre de réseaux parallèles incrustés dans l'appareil de l'Etat, jusqu'à son sommet, où la circulation d'intérêts et de capitaux mal acquis gangrène le fonctionnement des institutions à un point tel que les raisons d'être des institutions de l'Etat sont travesties et les missions nobles de quelques institutions républicaines perverties voire égarées de leur notion de service exclusif de la nation. De notre point de vue et de par notre modeste expérience, nous savons que la prévention des conflits doit précéder et éviter l'émergence de crises majeures causant la déstabilisation des équilibres nécessaires à la pérennité de l'Etat, et nous ne le voulons pas. Or, ce que nous constatons et n'avons eu de cesse de dénoncer, est tout sauf un processus de prévention. Tout est fait pour que crise il y ait. La perversion des missions régaliennes de l'Etat, l'avilissement de la Justice, la corruption de la scène politique, les collusions entre argent privé et gestion publique et l'inverse, la dégénérescence du système des valeurs, l'artifice des fausses réformes et la complicité de certaines puissances internationales, dont certaines dites partenaires et d'autres amies, sont des facteurs qui, sur un tableau de bord de gestion et de prévention des risques, sont des voyants rouges qui s'allument et s'affolent pour signaler l'imminence d'un impact violent, de plein fouet et de face. Les menaces, de toutes natures, grandissantes, internes, régionales et mondiales, constituent l'environnement dans lequel un rendez-vous est pris entre tout un peuple et son avenir. Choisir de gérer cette conjoncture sans prêter attention à cet environnement serait suicidaire. En outre, les vagues successives des révolutions dites du printemps arabe, leurs conséquences politiques dans les pays où elles ont eu lieu, le terrorisme, la criminalité organisée, la détérioration des conditions socio-économiques, la stérilité du discours politique moralisateur, mais d'abord et surtout la lutte aveugle pour le pouvoir, sont les tristes constats qui nous poussent à ressentir un volcan sous nos pieds, prêt à entrer en éruption à n'importe quel moment. Une échéance électorale devrait permettre au peuple de choisir librement des représentants à condition que celle-ci se déroule dans un climat serein, loin des luttes entre appareils de l'exécutif, ni les duels entre autorités et institutions civiles ou militaires soient-elles. Nulle autorité, civile ou militaire, ne peut domestiquer ou entrer en collision avec des institutions gardiennes du caractère républicain de l'Etat et a fortiori garante de la sécurité nationale, pour des raisons personnelles et sous les prétextes fallacieux de l'exigence de neutralité ou de l'unité d'un tout faussement indivisible. L'Etat, c'est le peuple et les institutions de la République en sont sa propriété, nulle personne et nulle autorité ne peut se permettre de s'en substituer, ni de se soustraire à sa volonté et encore moins de la détourner. La crise est présentement évidente et serait préjudiciable aux intérêts de la Nation si l'Algérie patriotique ne s'érige pas en rempart uni contre ces manœuvres opérationnelles qui visent l'affaiblissement de l'Etat par la neutralisation, voire l'appropriation de ses institutions. Patriotes, Au carrefour de son destin, l'Algérie doit prendre le temps requis aux fins de réunir les conditions nécessaires à l'organisation de cette transmission du pouvoir entre générations. Le fait que les conditions actuelles soient marquées d'hostilités endogènes et exogènes de toutes natures rend l'échéance électorale précipitée, pour peu que l'on se hisse à la hauteur de l'importance d'une telle issue. L'assainissement de l'Etat doit présider à tout événement engageant le devenir de la Nation. Aujourd'hui, seule une véritable transition, menée par des voix sages, intègres et désintéressées, est à même d'assurer la mise en place des conditions indispensables à la constitution du socle dans lequel s'exprimeront de manière libre et inclusive les voix du peuple, aux fins de baliser et de sécuriser le chemin par lequel s'effectuera le passage de témoin à la génération du nouveau millénaire. Il est préalablement nécessaire qu'une nouvelle constitution émanant des aspirations profondes de la société soit élaborée dans le cadre d'une large et longue concertation, reportant les principes fondamentaux des règles démocratiques, de l'alternance au pouvoir, et consolidant les acquis du peuple en termes de liberté et d'égalité, payés au prix du sang. Car, bien que des étapes aient été franchies en termes de pluralisme, de liberté d'expression, fruit d'un long et persévérant combat pour la liberté, les acquis qui s'en sont agglomérés les uns les autres doivent néanmoins constituer ce capital inaliénable garanti par les textes fondateurs de la République. Ce n'est que sur cette base que peuvent alors être organisées des élections ouvertes pour élire les institutions républicaines réellement représentatives du peuple et de ses libres choix. Et c'est dans cet esprit qu'il nous faut structurer nos efforts autour d'une démarche courageuse, responsable et salvatrice, en appuyant ceux qui doivent prendre l'alternative. Le peuple algérien a toujours lutté pour sa liberté, a arraché sa libération au prix du sang, et continue de lutter pour le parachèvement de l'œuvre d'indépendance nationale. Ce sont ces valeurs qui doivent continuer à déterminer nos choix pour l'avenir et conditionner l'esprit de notre démarche, L'histoire a fondamentalement un côté juste, et nous voulons être de ce côté. Les forces patriotiques seront toujours du côté du peuple ainsi que du côté des institutions républicaines, celles gardiennes du temple que les voix démocratiques, les hommes et les femmes d'honneur ont édifié au fil du temps au prix de tant de sacrifices, succédant à nos aïeux, les militants du mouvement national, les Moudjahidine authentiques de la Révolution et ses glorieux martyrs, et d'autres résistants et résistantes contre l'obscurantisme, au prix de larmes, de deuils, de douleurs et de souffrances que seuls les militants de la liberté et du Droit connaissent. A ces hommes et à ces femmes, nous prodiguerons notre indéfectible engagement, dévoués et résolus, pour le seul salut de la Nation. Cette œuvre impérissable de libération nationale continuera indéfiniment de guider notre action. La lutte pour la liberté demeure pour le peuple algérien un droit inaliénable. Patriotes, Le développement de la Nation ne se résume pas au développement infrastructurel, financé de surcroît par le pompage de ressources non renouvelables, mais il implique la force du développement, le droit à la liberté, l'émancipation, le progrès, mais surtout à travers des mécanismes de décision auxquels participe le peuple dans son ensemble dans les conditions qui lui permettent de faire librement son choix. Nul développement sans le droit, et le droit seul procure la paix et la stabilité Le premier défi étant celui de mesurer l'importance de l'événement. Le second étant celui de concourir à l'assainissement de l'Etat, à le libérer de l'emprise des tentacules de l'argent et des luttes personnelles pour la pérenisation du pouvoir. Condition préalable aux fins de tirer le meilleur parti du potentiel formidable que recèlent les forces vives de la Nation. A défaut de quoi, l'Algérie sera en marge de l'histoire ! Patriotes, L'appel est lancé par devoir envers la patrie, car j'ai fait, il y a longtemps, le serment qui me lie à l'Algérie et à son peuple. Le serment d'être le serviteur de la Nation et de mon peuple et non de devenir le sujet d'une autorité, quelle qu'elle soit ! Toute âme patriote se doit d'être consciente des enjeux, de se hisser à la hauteur de la lourde responsabilité qu'elle a devant l'histoire, d'assumer le rôle que lui dicte son appartenance à la patrie, et, le cas échéant, de se souvenir du serment prêté à l'effet de défendre le pays et de servir le peuple, la main sur le noble Coran. Tout acte contraire aux intérêts de la Nation sera gravé sur le parchemin de l'histoire, à moins de répondre, de façon certaine, le moment venu, devant le peuple. J'en appelle donc à l'ensemble des forces patriotiques. Je ne crains aucunement les représailles à mon encontre qui ne manqueront probablement pas, mais qu'on sache que je continue et que je continuerai de servir l'intérêt suprême de mon pays en y mettant, s'il le faut, ma vie. Rien ne se construit dans l'intrigue, la vérité seule triomphe.