La deuxième partie du feuilleton du FLN tire à sa fin, avec bien sûr un happy end. Saadani n'aura duré que moins de six mois comme veilleur de nuit au siège d'un parti qui n'arrive plus à trouver ses marques entre le désir de la majorité de ses militants d'ancrer des pratiques démocratiques dans son fonctionnement et dans ses relations avec l'environnement et les interventions intempestives d'un cercle du pouvoir pour poursuivre sa domestication et son instrumentalisation. La parenthèse hérétique qui a suivi la convocation des membres du Comité central pour une rencontre organisée envers et contre tous les textes et procédures internes du parti le 29 août 2013, pour imposer un roi Ubu à la gérance du parti a causé un tort incommensurable tant dans ses rangs que dans l'opinion publique, y compris parmi les autres formations politiques concurrentes ou adversaires du FLN, qui ne pouvaient pas se réjouir du malheur qui frappait celui-ci. Au départ, quelques dizaines de membres du CC seulement avaient refusé ce qui semblait être un véritable complot visant à déstabiliser durablement le parti, ils avaient refusé de se prêter à la mascarade et de participer au cirque, ne reconnaissant jamais la rencontre du 29 août dernier et ses résultats. Le temps leur a donné raison, et à chaque sortie publique, les plus chauds partisans de Saadani découvraient avec effarement l'immensité de son inculture et de son aventurisme. Aujourd'hui, une quasi-unanimité s'est faite contre lui. Cela veut-il dire que le FLN soit sorti de la zone de turbulences ? Si l'on se réfère aux déclarations des uns et des autres, on serait tenté de répondre par la négative. Pour planter le décor, d'abord une certitude : exit Saadani, ensuite le flou total, le clan de Belkhadem adossé au cercle qui n'a jamais digéré sa destitution par les urnes le 31 janvier 2013 espère son retour et auquel fait face le groupe qui a mené le combat contre vents et marées pour le faire partir et qui n'accepte pas, quel que soit le prix à payer, de se soumettre de nouveau au diktat de l'ancien secrétaire général, pour les motifs et griefs qui lui étaient reprochés. De plus, connaissant la rancune du personnage, ils savent qu'il ne reviendrait que pour régler ses comptes. Sa vengeance n'épargnera pas non plus ceux qui l'avaient soutenu jusqu'à l'annonce des résultats du scrutin et qui ont coupé toute relation avec lui depuis. Plus que jamais auparavant, le FLN montre des signes inquiétants d'enlisement dans une crise mortifère. Tant que les divers protagonistes ne réaliseront pas que toute solution passe inéluctablement par l'évitement des éléments de controverse et des facteurs de conflit, la situation interne fluctuera entre victoire d'une aile et préparation de sa future chute par les autres, entre désignation-élection d'un secrétaire général et un retrait de confiance. Depuis une décennie, les clivages ne sont plus d'ordre idéologique, programmatique ou intellectuel, ils sont sous-tendus par l'appartenance clanique et/ou la conjonction d'intérêts. Latents avant l'arrivée de Belkhadem, ces clivages ont été aggravés par l'absence de débat d'idées depuis 2005, l'ancien secrétaire général avait substitué à ce débat des joutes organiques interminables qui ont envasé le parti dans des luttes internes stériles. A quelques encablures de la présidentielle, il est urgent de remettre de l'ordre dans l'incontournable machine électorale représentée par un FLN rasséréné et réconcilié. La prochaine session du comité central sera l'occasion d'asseoir les bases d'une reconstruction du parti pour peu que les uns et les autres sachent identifier les éléments de controverse et les facteurs de conflit qui risquent d'alimenter la crise et la rendront consubstantielle à la vie partisane pour les annihiler. La sagesse dicte l'impérieuse nécessité de ne pas revenir à la situation antérieure à février 2013 et en termes plus clairs éviter et empêcher la réélection de Belkhadem. Celui-ci est aujourd'hui le facteur de conflit essentiel, même s'il n'est pas le seul, son retour signifierait ipso facto un réveil des antagonismes qui ont abouti au retrait de confiance lors de la précédente session du CC. Nous avions récusé l'option Saadani d'abord parce qu'il était la personnification et l'exemple-type d'un élément de controverse de par ce qui lui est reproché dans les affaires de la Générale des concessions agricoles et du Fonds spécial pour le Sud, auxquelles il n'a répondu que par des dénégations sans fournir des éléments de défense. La rémanence de la crise et sa persistance ne sauraient être réduites sans la conviction des partisans de Belkhadem de l'inanité de son retour, d'autant que le carré de ses fidèles s'est éclairci par la défection de nombre d'éléments actifs et que ses adversaires restent sur leur détermination à anéantir toute velléité de sa part de reprendre les rênes pour assouvir sa vengeance. Quelle utilité pour le parti, pour la campagne électorale du candidat qui sera soutenu par le FLN, de pérenniser la scission ? Dans le cas où un cercle du pouvoir aurait l'intention de l'imposer une nouvelle fois, la seule lecture possible serait une volonté manifeste de liquider le parti, la catastrophe Saadani est là pour leur rappeler l'impasse dans laquelle a été mené le parti par la procédure des ukases et des injonctions. Le dépassement de la controverse et du conflit implique la sérénité dans le choix du futur secrétaire général, l'abandon des calculs claniques et sectaires et l'impératif de baser toute action sur la recherche d'une crédibilité largement dégradée dans l'opinion. Pour ce faire, nous devons commencer par choisir un homme inattaquable sur sa probité, qu'on ne pourrait accuser de collusion avec les milieux affairistes et maffieux et l'argent sale, ces critères ont fait défaut tant à Belkhadem qu'à Saadani.