La Tunisie tourne ainsi la page des gouvernements de la troïka, dirigés par les islamistes d'Ennahdha. Tunis De notre correspondant A près un suspense digne d'Alfred Hitchcock et après une deuxième nomination, Mehdi Jomaâ a finalement remis, hier, la liste de son équipe de compétences indépendantes au président Marzouki. La Tunisie tourne ainsi la page des gouvernements de la troïka, dirigés par les islamistes d'Ennahdha. Avant même que l'opinion publique ne comprenne les dessous du refus-surprise de Mehdi Jomaâ de présenter, avant-hier soir, la composition de son gouvernement de compétences indépendantes au président Moncef Marzouki, il a été de nouveau chargé, hier, par Marzouki de former le gouvernement. Cette fois-ci, la question n'a pas pris de temps. Mehdi Jomaâ nouvellement nominé, n'a mis que quelques heures pour présenter son gouvernement. Tous les problèmes ayant été résolus la veille, y compris l'épineuse dispute autour du ministère de l'Intérieur. Un poste de ministre délégué chargé de la Sécurité avait été trouvé comme solution consensuelle, un poste attribué à Ridha Sfar qui travaillera aux côtés de l'actuel ministre de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou. Ce scénario de nouvelle nomination a été certes imposé par l'Organisation provisoire des pouvoirs publics (OPPP) qui continue à faire foi de Constitution provisoire en Tunisie, jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi fondamentale, en cours d'adoption. Le délai de 15 jours accordé dans l'OPPP au chef de gouvernement nominé pour présenter son équipe, a expiré avant-hier à minuit. Mais qu'est-ce qui a obligé Mehdi Jomaâ à faire ce détour ? Comme il l'a lui-même explicité, hier à sa sortie de chez Marzouki, suite à sa nouvelle nomination pour former le gouvernement, Mehdi Jomaâ a exigé un nouvel amendement de l'article 19 de l'OPPP afin de garantir plus de stabilité à son équipe. Le premier amendement, adopté avant-hier peu avant minuit, stipule certes que le retrait de confiance au gouvernement se fait aux trois cinquièmes, mais il maintient le retrait de confiance aux ministres à la majorité absolue (50% + 1). Mehdi Jomaâ y a vu une source de déstabilisation pour ses ministres. Allant dans le même sens, le porte-parole du Dialogue national et secrétaire général de la puissante centrale syndicale UGTT, Hassine Abbassi, a perçu cet amendement comme «une trahison à la feuille de route» du Dialogue national. «La majorité des deux tiers, prévue par la feuille de route, est garante de la stabilité du gouvernement Jomaâ», toujours selon Abbassi. L'Assemblée nationale constituante (ANC) a dû se réunir de nouveau hier pour faire passer ce nouvel amendement et satisfaire l'exigence de Mehdi Jomaâ. Compétences indépendantes Pour ce qui est de l'équipe choisie par Mehdi Jomaâ, il s'agit, comme il l'avait annoncé avant-hier et rappelé hier, de compétences indépendantes ayant fait preuve de savoir-faire et d'efficacité lors de leurs parcours socioprofessionnels. Le gouvernement Jomaâ n'est certes pas aussi restreint que prévu ; il est formé de 30 membres (22 ministres et huit secrétaires d'Etat). En examinant la liste, il s'agit de personnalités de notoriété internationale ou de compétences ayant fait leurs preuves localement. Ainsi, le ministre proposé pour les Affaires étrangères, Mongi Hamdi, est l'ancien directeur de la Commission des sciences et technologies pour le développement à l'ONU. Au département des Finances et de la Coopération internationale, il y aura Hakim Ben Hammouda, qui est actuellement à la Banque africaine de développement (BAD) en tant que conseiller spécial de son président, Donald Kaberuka. Pour le ministère de la Justice, c'est l'ex-doyen Hafedh Ben Salah qui le gérera. Quant au ministère de la Défense, il sera occupé par l'ex-président du tribunal administratif, le juge Ghazi Jeribi. Le département de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la Technologie de la communication sera assuré par Taoufik Jelassi, professeur en technologies de l'information et e-business, doyen des programmes MBA à l'Ecole nationale des ponts et chaussées de Paris. Mehdi Jomaâ a choisi des compétences de haut calibre académique et d'un haut niveau de savoir-faire pratique. Il a essayé d'entourer son équipe de toutes les garanties de réussite. Il lui reste maintenant à obtenir l'appui de tous afin d'aider ce gouvernement à réussir. A signaler que l'Assemblée nationale constituante a programmé, dans sa plénière d'hier, l'adoption de la Constitution dans son ensemble, après l'avoir adoptée article par article. Selon les observateurs, il n'y aura pas de problème pour acquérir une majorité supérieure aux deux tiers favorable à ce projet. La Tunisie est sur la voie de la phase finale de sa transition démocratique.