«Notre sol se meurt, si nous n'agissons pas aujourd'hui nous léguerons à nos enfants une terre infertile», prévient le professeur Douaoui pour insister d'emblée sur la gravité du sujet qui focalise toute son attention et celle de l'équipe de chercheurs qu'il dirige au sein du laboratoire «Production agricole et valorisation durable des ressources naturelles» de Khemis Miliana. KhemisMiliana de notre envoyé L'enjeu : la salinité des sols ou «la mort blanche», terrible terme par lequel d'autres savants outre-Pacifique — australian black death — désignent cette plaie des temps modernes qui frappe la terre d'infertilité et met en péril la sécurité alimentaire de millions d'êtres humains à travers le globe. Mais le professeur Douaoui est un savant optimiste, et, loin de verser dans l'alarmisme, se veut rassurant en nous exprimant son engagement plein et une forte conviction qu'on pourrait traduire ainsi sans trahir ses propos : en se conciliant avec l'intelligence de la nature, le génie de l'homme peut échapper aux pires des périls et recevoir, par la force du travail, ses bienfaits et ses abondances. Cette philosophie du travail, que le chercheur algérien ne cache pas s'en être inspiré auprès des ses admirables «nouveaux amis chinois» et non moins éminents chercheurs venus de l'université de Shanxi lui prêter main forte pour se pencher sur cet épineux problème de la dégradation des terres algériennes. En effet, cette bienheureuse coopération s'est consolidée dans le cadre d'une convention de partenariat signée entre l'université de Khemis Miliana et l'Institut des sciences agricoles chinois de l'université de Shanxi, au mois de juin 2013, nous apprend le Pr Douaoui qui a déjà effectué des allers-retours pour étudier l'expérience chinoise dans le cadre des échanges scientifiques conclus entre les deux universités et qui, réciproquement, a permis aux chinois du douar Hmadna de fouler le sol du bas Cheliff. Le professeur Douaoui, qui travaille sur les problématiques liées à la salinisation des sols depuis le début des années 90, connaît la plaine du Cheliff parcelle par parcelle, fort de l'expérience de ses investigations sur le terrain pour une observation directe, la collecte d'échantillons et maintes analyses au laboratoire. Le chercheur érudit connaît également l'histoire de la région sur le bout des doigts, de la formation des piémonts du Dahra et de l'Ouarsenis à l'ère tertiaire jusqu'à la colonisation française de la plaine du Cheliff et les récentes occupations agraires du sol au XXe siècle. «Avec mes collègues de l'Institut de recherches agronomiques (INRA), nous travaillons depuis de nombreuses années sur les problèmes de la dégradation du milieu à partir des années 20, (végétation et sol) et sur plusieurs autres questions liées à l'aridité, la pollution et d'autres grands enjeux relatifs à l'avenir de l'agriculture dans notre pays», dira le Pr Douaoui. En effet, depuis les travaux des chercheurs occidentaux dans les années 1950, les choses ont bien évolué, car dès les années 2000 le professeur Douaoui et ses collaborateurs ont préconisé l'usage de la télédétection, la cartographie par plateformes satellites à résolution spectrale fine, et la localisation des échantillons par positionnement géographique (GPS), ainsi que le développement d'un modèle numérique du relief (MTN) afin de caractériser les changements historiques de la salinisation et de la dégradation pour mieux appréhender les conséquences sur l'agriculture et l'environnement. A ce titre, il est l'auteur d'un célèbre document La carte Douaoui 2005 (voir..), qui dépeint les couleurs du spectre de la salinisation qui pèse sur ces tristes contrées. «La recherche scientifique doit, comme son nom l'indique, chercher des solutions concrètes à des problèmes imminents et non pas se perdre en simagrées théoriques éloignées de son environnement, ce serait une recherche stérile comme ces terres pour lesquelles nous sommes résolus à aller chercher le remède… fut- ce en chine», dit le professeur Douaoui empruntant la citation consacrée au sens propre et figuré. En effet, l'homme a patiemment et passionnément sillonné les provinces chinoises pour mieux comprendre les processus impliqués et évaluer les stratégies de gestion de l'irrigation et les dispositifs de lutte contre la «la mort blanche». Le chercheur nous raconte la chine avec force détails «techniques» et des anecdotes à connotation «humaine» pour exprimer ainsi son admiration de ce grand pays où le défi humain saisit tout son sens. La complicité qui s'est tissée naturellement à la faveur de l'amitié sino-algérienne puise son ciment, selon le professeur Douaoui, dans les principes communs que les deux parties consacrent en doctrine, l'attachement à la terre et le souci de la préserver pour les générations futures. De retour en Algérie, le professeur Douaoui revient admiratif devant la grandeur de l'agriculture chinoise et les soins quasi chirurgicaux que les chinois apportent à leurs cultures en termes d'irrigation : la juste dose d'eau pour chaque plante sur des terrains à perte de vue, en nous rappelant que le pays du plus du milliard d'habitants tire plus de 70% de sa production nourricière des cultures irriguées. Le chercheur en est revenu avec des idées plein la tête : outre les techniques d'aménagement des sols salins, le professeur vient d'initier un autre grand projet biotechnologique qui n'était pas prévu dans le cadre de la convention, une nouvelle technologie verte pour enrichir les sols naturellement par la culture de bactéries bénéfiques pour les sols algériens pauvres en nutriments.grâce à la curiosité scientifique de Pr Douaoui, l'Algérie qui accuse un retard dans la recherche biométéorologique, particulièrement, vient de se doter d'un nouveau laboratoire à Khemis Miliana pour développer ce créneau porteur, où une jeune doctorante y prépare une thèse sous la direction du professeur. Cette intégration technologique et ce transfert de savoir se feront, selon le chercheur, avec la collaboration de spécialistes chinois qui séjourneront en Algérie et feront profiter de leurs connaissances plusieurs promotions d'étudiants en master à Chlef et à Khemis Miliana.