La Tunisie célébrait hier l'adoption de sa nouvelle Constitution, saluée comme un texte «majeur» ayant «valeur d'exemple» par des chefs d'Etat et de gouvernement étrangers invités à la cérémonie officielle. Le ton était hier à la joie et au bonheur en Tunisie, où le gouvernement et le peuple célébraient dans une belle communion le succès historique de la transition politique. C'est une première dans un Monde arabe où l'arriération démocratique constitue le «produit» le mieux partagé par les potentats qui y règnent, du golfe Persique à l'océan Atlantique. L'exploit des Tunisiens est précisément d'avoir su et pu réussir une exceptionnelle déconnexion salvatrice avec les autres pays arabes qui avancent en… arrière. De nombreux chefs d'Etat et de gouvernement étrangers ont partagé, hier, le bonheur des Tunisiens. Par leur présence, ces derniers ont voulu saluer l'exemple de la Tunisie qui a su gérer son «printemps» et éviter qu'il vire au cauchemar comme c'est le cas en Libye voisine, en Egypte et en Syrie. Le Premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal, qui était sur place, a dû apprécier ce grand moment de liesse d'un pays qui renaît de la dictature grâce à l'esprit de compromis et de responsabilité de ses dirigeants et de sa société civile. Le président du Conseil européen Herman Von Rompuy, le président François Hollande et le président libanais Michel Sleimane se aussi sont associés à la fête de la nouvelle «République de Tunisie» qui a eu pour cadre l'Assemblée nationale constituante. Sellal a dû apprécier… La cérémonie était certes symbolique dans la mesure où la Loi fondamentale a été adoptée le 26 janvier, à l'issue de plus de deux ans de débats houleux et de crises politiques, mais la circonstance en valait la peine. Le président français était visiblement aux anges. Ayant sans doute à cœur de laver l'affront de Sarkozy qui a soutenu jusqu'à la dernière minute le dictateur Ben Ali, Hollande a eu des mots très doux vis-à-vis de la Tunisie. Il s'agit d'«un texte majeur qui fait honneur à votre révolution et peut servir d'exemple à d'autres pays», a déclaré M. Hollande, à la tribune de l'Assemblée. «Cela confirme ce que j'avais dit en juillet (lors de sa première visite, ndlr) : l'islam est compatible avec la démocratie», a-t-il ajouté. «La Tunisie n'est pas une exception, c'est un exemple. Vous incarnez l'espoir dans le monde arabe et bien au-delà», a aussi déclaré le président français, en vantant un pays «hospitalier, accueillant, beau et démocratique». Quelle reconnaissance ! Pour une fois, le discours d'un responsable français colle assez bien à la réalité de la Tunisie… Et à François Hollande d'encourager les Tunisiens a être persévérants. «Je mesure les défis qui vous attendent encore», a-t-il poursuivi, en mentionnant notamment la loi électorale qui doit encore être adoptée pour que des élections puissent avoir lieu en 2014. De son côté, le président du Conseil européen, Herman Von Rompuy, a aussi estimé que la Constitution avait «valeur d'espoir, valeur d'exemple pour d'autres pays». «En ce jour de célébration, je vous encourage à persévérer dans la voie que vous avez empruntée», a-t-il ajouté. L'exemple Tunisien Le président libanais, Michel Sleimane, a, de son côté, salué un texte qui «renforce les acquis de la première Constitution tunisienne et qui garantit les droits de la femme.» Des discours qui ne sont pas tombés dans l'oreille d'un sourd. Le nouveau Premier ministre tunisien Mehdi Jomaa, qui vient de former un gouvernement apolitique, a tenu à dire que «la joie de cette réalisation ne doit pas nous faire oublier l'importance des défis à venir». «Nous nous sommes engagés à compléter le processus et à préparer des élections libres et transparentes. Cela a été un engagement clair, de ma part et de celui de mon gouvernement», a-t-il promis, tout en s'engageant à rétablir la confiance des investisseurs. Auparavant, le président de la Constituante, Mustapha Ben Jaafar, avait de nouveau salué une Constitution «consensuelle, éloignée des calculs de la majorité et de la minorité». «La Tunisie marche à pas assurés pour sortir de cette difficile période de transition. Nous avons remporté la bataille de la liberté, il reste une longue route pour ancrer les institutions démocratiques et remporter la bataille du développement», a-t-il ajouté. Tout compte fait, la célébration d'hier consacre la victoire éclatante de la Tunisie, qui a su rester unie malgré les dures épreuves traversées, ponctuées par des paralysies institutionnelles, des grèves et, pis encore, des assassinats politiques. C'est une belle victoire contre l'intégrisme religieux qui a tenté de faire main basse sur la révolution, et contre les résidus du pouvoir de Ben Ali, qui ne désespéraient pas de reprendre du poil de la bête. Au final, c'est un Etat libre, moderne, démocratique et prometteur qui naît en Tunisie, au grand bonheur de son peuple. Les martyrs de la démocratie, Chokri Belaïd et Mohamed Brahimi, peuvent désormais reposer en paix.