La Casbah. Une cité qui n'a de cesse de faire couler beaucoup d'encre. Beaucoup de salive. Et depuis l'indépendance, beaucoup de programmes sont venus choir à son chevet pour tenter de sauver ce qui reste à sauver d'un patrimoine inscrit depuis 1992 dans les tablettes de l'Unesco. Entre le cœur historique de la capitale et la cadence des travaux de réhabilitation, le cœur ne semble pas trop battre pour la cité. Le challenge est loin d'être gagné par le ministère de la Culture, la wilaya et la société civile, si société il y a. Nombre de bâtisses de type traditionnel font toujours l'objet de travaux d'étaiement si elles ne sont pas (re) squattées après avoir été murées. Le plan permanent de sauvegarde élaboré depuis plus d'une dizaine d'années s'attelle à la phase de confortement issu du plan d'urgence, mobilisant 24 BET et 160 entreprises. Mais la date arrêtée de cette opération avant l'entame de la phase dite de restauration est largement dépassée, constatent les propriétaires dont certains ont vidé le plancher pour faciliter l'opération aux intervenants, dont certains font montre d'un manque criant en termes de maîtrise de qualification. «La phase de restauration n'est pas pour demain», dira, dépité, un propriétaire de la rue Kheireddine Zenouda (ex-zankat Bouakkacha). «Nous ne savons où nous mettre et quoi faire devant l'extrême lenteur des travaux d'étaiement. L'opération lancée dans ma douéra est en stand-by, car l'entrepreneur ne daigne pas poursuivre les travaux de confortement», fulmine le pensionnaire, expliquant que depuis quatre mois, sa bâtisse est sens dessus dessous et désertée par le maître d'œuvre. S'agit-il d'un problème technique ? Cet abandon a-t-il un rapport avec le manque de matériaux idoines qu'il s'agit d'appliquer intelligemment ou est-il lié à un défaut de finances du maître de l'ouvrage ? Notre interlocuteur n'en sait pas plus. «Une chose est sûre, l'entreprise en charge des travaux a levé le pied et on nous balance d'un office à un autre», résume-t-il. «Ni l'Ogbec ni l'Agence nationale des secteurs sauvegardés (qui élit domicile à Dar el Cadi située à la rue Hadj Omar, ndlr) ne sont en mesure de nous rassurer sur l'entreprise qu'ils mènent», enchaîne un autre propriétaire qui se dit livré à lui-même. Que dire davantage sinon d'une médina qui ferait se retourner Bologhine Ibn Ziri, Sidi Abderrahmane Etthaâlibi et autres Momo et El Anka dans leur tombe vu l'état de décrépitude dans lequel elle sombre chaque jour un peu plus, sous notre regard impassible. On annonce, d'autre part, la prise en charge des placettes vides affectées à l'aménagement, mais les monticules de gravats et d'immondices de toutes sortes conjugués au dépavage et au ruissellement des eaux usées prennent la cité en otage. Plus en haut, enfaîtant l'ancestrale médina, la citadelle ou Dar Essoltane fait l'objet de travaux… en berne. On fait, on défait avant de refaire l'actualisation des études de restauration des modules confiés à des BET nationaux et à PKZ, le polonais. Depuis l'évacuation des indus occupants il y a plus de trois décades, les chefs de projets défilent et les programmes se succèdent sans grand résultat palpable. L'on nous bassine la même antienne que «‘‘la belle ouvrage nécessite du temps'' (ecchîy el mlîh ittoûl)». Qu'à cela ne tienne. Quant à l'autre patrimoine, celui immatériel qui se résume dans l'artisanat, vecteur de l'essor touristique, l'ambiance n'est plus au rendez-vous dans El Mahroussa depuis des lustres, car les artisans tenant quelques échoppes non sans faire de la résistance pour perpétuer leur savoir-faire se comptent tout simplement sur les doigts d'une seule main. L'ancienne médina a beau crier son lot de douleurs. A beau égrener ses souvenances. Elle peine encore et toujours à voir son visage réhabilité...