A l'ordre du jour de la réunion ne figuraient pas le pouvoir d'achat et la revalorisation du SNMG. L'abrogation ou l'amendement de l'article 87 bis n'interviendront pas avant janvier 2015. Douche froide à la résidence El Mithak (panthéon de la Constitution, sic !) où gouvernement Sellal, centrale syndicale, patronat et experts se sont retrouvés, hier, à la faveur de la 16e tripartite, pour la traditionnelle pose photo (signature du pacte économique et social de croissance) et séance de professions de foi et vœux pieux à la tonne et la ferveur tout aussi renouvelées. Les monts et merveilles promis au monde du travail par le gouailleur patron de l'UGTA, la mythique centrale syndicale, se sont avérés n'être qu'un leurre, énième mirage en cette contrée préélectorale intéressée au vote. Sur la table de cette tripartite qualifiée d'«historique» par les «officiels», les conclusions des cinq groupes de travail mis en place lors de la tripartite «économique» tenue en octobre dernier. Les résolutions et le communiqué final étaient prêts avant même l'entame des négociations économiques et sociales. A l'ordre du jour de cette tripartite «sociale» ne figuraient pas les questions du pouvoir d'achat de millions de travailleurs ni la revalorisation du SNMG (pas même de 90%, comme l'annonçait Ennahar dans la matinée), encore moins l'abrogation – donnée pour presque acquise – du 87 bis (loi 90-11 sur les relations de travail), article qui saigne depuis plus d'une quinzaine d'années une quantité non négligeable de bas revenus et de retraités algériens. «La tripartite a souligné la nécessité d'abroger et revoir l'article 87 bis et recommande la rédaction d'une nouvelle définition, en concertation avec les partenaires sociaux, à la faveur de la loi de finances pour 2015 (…) ont été éludés ou renvoyés à une date ultérieure», expédie-t-on dans la déclaration finale. Point relégué en queue de communiqué. Mais il était question du (nouveau) «pacte économique et social de croissance», des «modalités de contribution du Fonds national d'investissement au financement de l'investissement public et privé, de la dépénalisation de l'acte de gestion, de l'encouragement de la production nationale via notamment le retour du crédit à la consommation pour les produits locaux, etc.» (lire encadré). El Biar, Djenane El Mithak, 9h. Lendemain du tremblement de terre. Les rutilantes berlines des ministres, des patrons du CAC40 version .dz, celles des syndicalistes et hauts fonctionnaires de la centrale et autres hauts cadres de l'Etat enjambent sans zéphyr la pente raide menant au vieux palais couvé, depuis des lustres, par la Garde républicaine. Les couloirs, halls et ascenseurs de l'édifice se font l'écho, litanie du 4e mandat, Al Rabiaâ. La candidature du président Bouteflika a groggy l'ambiance. Surréaliste. Dans son discours d'ouverture, Abdelmalek Sellal, le Premier ministre, déploie sa «positive attitude», appelant à «ne pas céder au pessimisme», à fermer «la porte à l'abattement». Le Premier ministre recadrera à froid le gouverneur de la Banque d'Algérie dont le constat et les prévisions alarmantes, notamment sur la position financière du pays, sa balance des paiements en déficit, en creusement, ont sonné le glas du discours officiel et sa béatitude légendaire. Sellal veut rassurer sur la «solidité» des agrégats macroéconomiques, le pouvoir d'achat des ménages en «amélioration substantielle», sur le volume des réserves de change en baisse. «C'est faux, déclare-t-il. Au contraire, rahoum yzidou. Elles augmentent.» Au secours de son Premier ministre, Karim Djoudi, le ministre des Finances livrera à l'opinion les fameux agrégats, presque tous au vert. Taux de chômage, niveau de dettes, réserves de change. Faisant son ode au «consensus», l'éloge du «dialogue social» et de ses vertus patriotiques, le secrétaire général de l'UGTA tressera des lauriers au gouvernement Bouteflika, qu'il comblera de chauds compliments. «Nous sommes venus (à la tripartite) non avec des revendications mais avec des propositions», dit-il en guise de bonne foi. «Il ne peut y avoir, ajoute-t-il, de démocratie ni de développement sans stabilité sociale.» Sidi Saïd hausse le ton : «Ma hbinach ndirou grève ! C'est qu'on ne veut pas faire grève. La grève, on la fait où et quand on veut. Seulement, nous, nous ne voulons pas de destruction (…) et souffrir le compagnonnage des patrons et du gouvernement n'est pas une tare en soi.» Au passage, le secrétaire général de l'UGTA se défaussera sur le Bureau international du travail (BIT), une organisation qui «veut s'ingérer» dans les affaires de l'organisation syndicale. «Alors que nous ne sommes pas une UGTA de recolonisés.» Une brochette de présidents d'associations patronales, presque une dizaine, prendra – après les membres du gouvernement – la parole, non sans subir les piques d'humour corrosif du Premier ministre. Comme pour ce vieux président d'association patronale (publique) invité à retenir sa «diarrhée verbale». S'étouffant de rage, l'homme écourte son intervention, promet à Sellal de lui faire parvenir «le discours écrit». En fin de séance, Sellal invitera les experts, les «contradicteurs» comme il les qualifie, à dire ce qu'il ont à dire «en deux minutes». L'économiste Abdelhak Lamiri s'y colle en premier, plaidant pour mille et une choses innovantes, les «crédits-formations», une «réorganisation de l'Etat», une «vision partagée par tous»… une «institution-cerveau» pour «penser stratégie», adossée à la Présidence ou la primature, etc. Le professeur Chemsedine Chitour s'interroge : «Et l'homme, dans tout ça ?» «On a oublié l'homme, dit-il, oublié l'Algérie» que seuls «une vision multidimensionnelle, une utopie durable, la reconquête du feu sacré des lendemains d'indépendance, des Grands travaux à la Roosevelt»… peuvent la sortir (l'Algérie) de son «état d'ébriété pour un état de sobriété énergétique».