En dépit d'une pléthore de médecins, la garde n'est assurée que quelques nuits par semaine. Dans la nuit du jeudi à vendredi, au pavillon (PU) des urgences du CHU Touhami Benflis, on assiste aux déboires des citoyens arrivés de part et d'autre de la wilaya de Batna pour des soins urgents. Nous sommes entrés incognito au nouveau pavillon des urgences aux environs de 23h. La réputation des lieux n'est plus à faire. Personne parmi les citoyens interrogés ne souhaitait avoir recours aux services médicaux du CHU de Batna, notamment les urgences. «On y est traité comme des bêtes», s'entendront à dire nos interlocuteurs. Effectivement, c'est exactement le constat que l'on fait. Fait assez rare, selon les témoignages recueillis, le médecin de garde est là. Avec lui, plusieurs étudiants en médecine, des externes. Une source interne proche de l'hôpital expliquera qu'il y a une pléthore de médecins généralistes affectés aux urgences, soit une trentaine. Or, la plupart n'assurent pas leur tour de garde et se couvrent mutuellement par des congés de maladie de courte durée. Ainsi, aucune garde n'est assurée plusieurs nuits par semaine. Face à l'unique salle de soins fonctionnelle, il y a l'espace d'attente. Un jeune homme est allongé sur un brancard, inconscient, et personne ne sait ce qu'il a. «Il est cardiaque», dira l'un des patients qui attend son tour, tout en jouant avec les bras dudit jeune homme qui ne réagit point ! «Son pancréas est atteint», spéculera un autre en s'amusant au même jeu de bras. Au même moment, un patient, en colère, déboule soudainement. Il tape fort sur la porte de la salle de soins. Il est perturbé, tel un tigre en cage, faisant des allers-retours, tout en provoquant un vacarme. Il crie et tape contre les murs. Il a besoin d'une piqûre antidouleur, à entendre ses hurlements. Une prise de bec s'ensuit avec le médecin de garde. Finalement il aura son injection et sortira calmé, trop calme, diront quelques-uns. «C'est un junky», devineront d'autres. Une fillette vomit. Ses parents l'emmènent à la salle d'eau. Et quelle salle d'eau ! Les robinets sont à sec. Il n'y a qu'une selle anglaise salie par les vomis et les excréments de ceux qui l'ont précédée, et aussi une odeur pestilentielle. Le père de la gamine prend le frottoir, laissé là par la femme de ménage, et se met à nettoyer la salle. L'odeur est nauséabonde, insupportable. Une heure et demie plus tard, plusieurs patients ont reçu des soins, mais le jeune homme sur le brancard est toujours là. Toujours allongé et inconscient. Les vomis et l'odeur aussi sont toujours là. L'ancien pavillon des urgences, quant à lui, est toujours fonctionnel, mais avec beaucoup moins de personnel. A son entrée, l'on est frappé par la couleur noirâtre des murs : de la saleté accumulée ! Très étonnant pour des urgences, surtout que des blessés, parfois avec de profondes entailles, y passent très souvent. Et ce n'est un secret pour personne, la saleté est source d'infection. Un homme d'une quarantaine d'années nous aborde. Il a cru déceler en nous un contrôle sanitaire. Il raconte que sa belle-mère, hospitalisée et opérée la matinée même, a perdu beaucoup de sang et qu'il n'y en a pas de disponible. «Dieu faites qu'on ne meure pas à l'hôpital», a-t-il imploré. Seulement deux heures passées au CHU de Batna, la nuit, et beaucoup de souffrance et de misère constatées. Une souffrance qui peut être évitée si la réglementation en vigueur est appliquée. Jusqu'à quand ?