Embourbé dans la crise humanitaire dans la province rebelle du Darfour, qui a fait plus de 180 000 morts et des milliers de déplacés, le président soudanais, Omar Hassan Al Bachir, semble chercher une issue de secours qui lui éviterait les foudres du Conseil de sécurité et de la Cour pénale internationale (CPI). C'est probablement dans cette logique que s'inscrit l'arrivée, vendredi dernier, en Algérie de l'envoyé spécial du président du Soudan, Mansour Khaled, reçu par le président Abdelaziz Bouteflika. Bien que l'émissaire de Hassan Al Bachir n'ait pas voulu divulguer la teneur de son « long entretien » avec le président algérien, il laissé deviner que la crise du Darfour a été le sujet central. Cela d'autant que Mansour Khaled a précisé qu'il avait remis à son hôte « une lettre sur les questions d'actualité ». Et l'actualité pour le Soudan est, sans doute, les discussions intenses qui se déroulent sur l'éventuel envoi d'une mission de maintien onusienne de la paix au Darfour pour pallier l'inefficacité de celle de l'Union africaine (UA). Déployée depuis 2004, la force africaine baptisée Mission de l'UA au Soudan (Amis) peine à restaurer la paix en raison du manque de financement et de moyens, alors qu'elle fait face à un terrain miné par les frictions entre plusieurs factions de rebelles. Dans de telles conditions, l'Amis souhaite remettre le témoin à une force de l'ONU plus qualifiée et mieux soutenue, début 2007. Cette perspective n'agrée pas pour autant, du moins pas tout à fait, les plans de Omar Hassan Al Bachir, d'où son souci de demander conseil à certains pays frères. Considérant le rôle de l'Algérie au sein de l'UA, dont elle a assumé la présidence il n y a pas longtemps, le Soudan voudrait éventuellement consulter Alger sur la nécessité ou pas d'aller vers la solution dans le cadre de l'ONU. Mais il y a ce souci du régime soudanais de ne pas se retrouver dans une mauvaise posture en ce sens qu'il n'est pas au-dessus de tout soupçon dans ce qui se passe au Darfour. C'est aussi pour cela qu'une mission conjointe des Nations unies et de l'Union africaine (UA) a rencontré, vendredi, le président tchadien, Idriss Deby, à N'Djamena, pour discuter de cet éventuel envoi d'une force onusienne dans cette province voisine. « Notre mission a pour objet : voir comment renforcer l'Amis (Mission de l'UA au Soudan) au Darfour et comment préparer une transition pour une mission des Nations unies », dans cette région frontalière, a déclaré à la presse le secrétaire général adjoint de l'Onu chargé des opérations de maintien de la paix, Jean-Marie Guéhenno. Le représentant de l'ONU a tenu à préciser que « la transition de l'Union africaine à l'Onu, est une décision qui résultera d'un accord entre le gouvernement soudanais, l'Union africaine et les Nations unies ». Si l'avis favorable des deux premiers partenaires est déjà acquis, tel ne semble pas être le cas de celui du gouvernement du Soudan. D'où certainement cet activisme diplomatique du régime de Hassan Al Bachir qui tente d'obtenir peut-être des garanties sous le parapluie des « amis » dont Bouteflika. En évoquant « les relations stratégiques d'amitié et de coopération entre l'Algérie et le Soudan », Mansour Khaled a sans doute levé un coin du voile sur l'objet de son ordre de mission à Alger.