Le sursaut des électeurs de gauche qui se sont abstenus en masse au premier tour se produira-t-il ? Paris De notre correspondante Les socialistes sauveront-ils les meubles après un premier tour marqué par une abstention record, une percée historique du Front national et un vote-sanction contre les socialistes dans plusieurs grandes villes ? Aujourd'hui les yeux seront tournés sur la longue liste des villes PS menacées de basculer à droite : des grandes comme Strasbourg et Toulouse, Saint-Etienne, Reims, Metz, Caen et des moyennes comme Angoulême, Belfort, Chambéry, Roanne, Perigueux, sans oublier Paris où la gauche semble toutefois épargnée. «Ce sont entre 120 et 160 villes qui pourraient tomber à droite», estime-t-on au PS. Si ce scénario se vérifiait, ce serait une vague bleue et la droite redeviendrait le premier pouvoir local. Aujourd'hui la gauche détient 54% des villes de plus de 10 000 habitants et 17 des 20 plus grandes villes. Alors que la majorité gouvernementale n'a eu de cesse de dire que le vote est local, n'empêche, l'impopularité de l'Exécutif et de la politique qu'il mène depuis deux ans s'est bel et bien traduite dans les urnes. Finalement, «le premier tour a pris une dimension politique et nationale forte, les électeurs de gauche ont été très absents», reconnaît la sénatrice PS Laurence Rossignol, interrogée par francetv info. «L'électorat de gauche (...) s'est abstenu. Parce qu'il est mécontent de la gauche qui gouverne et voulait lui mettre une taloche», selon Jean Glavany, député et ancien ministre socialiste. Un remaniement du gouvernement, dont le bruit court avec insistance depuis plusieurs jours, est-ce que c'est la solution ? Jean-Marc Ayrault rendu responsable de l'échec municipal, sera-t-il le fusible ? Quatre noms sont cités comme pouvant le remplacer : Laurent Fabius, Manuel Valls, Bertrand Delanoë, le maire sortant de Paris et Jean-Yves Le Drian. Que fera François Hollande ? Des voix se sont levées dans les rangs socialistes pour réclamer un sursaut et un changement de politique. Ministre du Travail et proche du président Hollande, Michel Sapin estimait lui aussi mardi qu'il fallait entendre le «mécontentement vis-à-vis de la situation économique et sociale» et qu'«évidemment, il faudra évoluer» avec «le Premier ministre que choisira le Président». «Il faut tout changer : l'équipe gouvernementale, la politique, tout», a réagi l'ancienne ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, députée PS des Deux-Sèvres dans Le Parisien. Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale, cité par Le Monde : «Un peu partout en France, la jeunesse nous a manqué ; les couches populaires se sont détournées ; les classes moyennes nous ont évités ; les banlieues et les campagnes se sont terrées. Il faut savoir entendre les silences.» Manuel Valls, qui rencontrera ce lundi le président Hollande, a appelé jeudi à «garder son sang-froid» en vue du second tour des élections municipales, insistant sur l'importance de «répondre le plus concrètement possible» aux doutes des citoyens. «Nous vivons un moment difficile. Quand je dis difficile, ça n'est pas pour le gouvernement ou la majorité, je dis difficile pour le pays», a déclaré le ministre de l'Intérieur lors d'un déplacement de soutien au maire socialiste d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), Jacques Salvator. «Il y aura des conséquences qui seront tirées dès après le deuxième tour», a, pour sa part, assuré jeudi Laurent Fabius qui a parlé d'un «avertissement très clair» ajoutant qu'«il a été entendu». Le titre du quotidien Libération de mardi dernier «Après la claque, remaniez-vous» traduit un souhait général, puisque 79% des Français veulent un remaniement. Et que François Hollande devrait même changer de Premier ministre (69%) après les municipales, selon un sondage BVA réalisé dimanche 23 mars, lors du 1er tour du scrutin. La politique de l'Exécutif est également jugée sévèrement. 73% des Français jugent qu'elle n'est pas juste, 83% qu'elle n'est pas efficace. 27% et 16% émettent, respectivement, un avis contraire. Des changements au gouvernement devraient être annoncés début avril, indique-t-on. François Hollande a indiqué mercredi, qu'il faut «plus de justice sociale» dans la politique menée. Et c'est sur le pacte de responsabilité qu'il compte pour renouer avec la croissance et lutter contre le chômage dont les derniers chiffres sont encore mauvais. Pour leur part, la droite comme le Front national doivent confirmer leur progression du premier tour. Marine Le Pen répète à l'envi que le premier tour des municipales de dimanche dernier marque la fin de «la bipolarisation». Elle annonce plus de 500 listes du FN, et plus de 1000 conseillers municipaux à l'issue du second tour. Le parti lepéniste a besoin de l'ancrage local pour se positionner en vue des sénatoriales de septembre et des régionales et cantonales de l'année prochaine. La stratégie de dédiabolisation et de banalisation du Front national par Marine Le Pen semble payante. A rappeler que les électeurs de droite ont été 10% de plus que ceux de gauche (75% contre 65%) à se déplacer le 22 mars, selon un sondage de l'institut Ipsos. Résultat : la droite a drainé 46,44% des voix au premier tour, la gauche 38,2% (et le FN 4,7%).