Le Front national a remporté treize villes. Cette accession de l'extrême droite aux responsabilités locales bouleverse le champ politique français caractérisé depuis des décennies par le clivage droite-gauche. Lyon De notre correspondant Nous sommes au printemps, mais comme les feuilles mortes de l'automne, plusieurs communes sont tombées entre les mains du Front national, parti qui se caractérise par son rejet de l'immigration. La majorité des mairies, comme nous l'indiquions mardi dernier, se trouvent situées dans le sud du pays, territoire ancien de démarchage politique du FN, là où le ressentiment xénophobe est le plus fort. En réalité, il s'agit de petites villes, surtout entre 1000 et 10 000 habitants, le FN ne réussissant pas à ratisser dans les grandes agglomérations, hormis dans leurs banlieues et à Marseille. Sur 585 listes présentées au premier tour (36 000 communes !), 323 listes du FN se maintenaient au deuxième tour. Au total, après les premiers gains du premier tour (Hénin-Beaumont dans le Nord), c'est une douzaine de communes qui ont basculé vers l'extrême droite : Béziers dans l'Hérault, le secteur 7 de Marseille (150 000 habitants !), ainsi que Brignoles dans les Bouches-du-Rhône, Beaucaire dans le Gard, Camaret-sur-Aigues et Le Pontet dans le Vaucluse. Dans l'Est, c'est Hayange qui est vaincue, ainsi que Villers-Cotterêts. Dans le Var, Fréjus, Cogolin et Luc. Le FN gagne aussi Mantes-la-ville, dans les Yvelines, et au Hamel, dans l'Oise. Sans compter le millier de conseillers municipaux qui œuvreront dans l'opposition pendant six ans pour transformer l'essai en démultipliant dans six ans le nombre de communes gérées par le FN. Dans un entretien paru dans Le Monde la veille du second tour des municipales, la présidente du Front national, Marine Le Pen, s'enflammait d'avance à ces résultats : «Nous sommes à l'année zéro d'un grand mouvement patriote, ni de droite ni de gauche (…). Le bloc droite-gauche ne correspond plus à la réalité. On ne peut plus classer les électeurs dans deux camps, droite et gauche.» Pourtant, les résultats de dimanche laissent entendre que le clivage n'est pas encore périmé. Ainsi, de nombreux frontistes ont été battus grâce aux voix des électeurs de droite et de gauche décidées à leur faire barrage, comme à Perpignan ou à Forbach, où des responsables du FN se présentaient. Le politiste Jean-Yves Camus estime que le FN «donne des coups de boutoir dans le système à coups répétés, portant à chaque fois de manière plus précise». Le FN a donné un coup de semonce à ne pas négliger. Les analystes lorgnent les élections européennes de juin prochain, où tous les sondages donnent à présent les listes du Front national largement en tête, loin devant les partis de droite et de gauche. Un véritable séisme qui se profile, tant de nombreuses décisions qui engagent les Etats se jouent au Parlement européen.