Prisons secrètes, sites noirs, zones de non-droit. A vrai dire, le lexique international s'est enrichi depuis les attentats antiaméricains de septembre 2001, d'expressions que le droit international renierait. Leurs auteurs d'ailleurs le lui rendent bien, se gardant de faire la moindre référence en la matière. A présent, la prison de Guantanamo n'a plus aucun secret en ce qui concerne les conditions de détention sans jugement et sans espoir de jugement pour des centaines de personnes. Ou encore, les prisons secrètes de la CIA mettant en cause de nombreux Etats européens, puisque rien ne peut se faire sans leur consentement. Saisissant l'occasion de la tenue hier à Vienne du sommet Etats-Unis-Europe, le président de la commission européenne a tenu, compte de ce contexte, voire de ce scandale que l'organisation humanitaire Amnesty international estime n'être que la partie visible de l'iceberg. Jose Manuel Durao Barroso ne s'est pas empêché de lancer un avertissement aux Etats-Unis, estimant dans deux entretiens que l'Occident risquait de « perdre son âme » dans la guerre contre le terrorisme. « Nous sommes engagés dans la lutte contre le terrorisme, mais si nous supprimons les droits civiques et les libertés civiques parce que nous luttons contre le terrorisme, alors ce serait une victoire pour les terroristes », a déclaré M. Barroso dans un entretien accordé lundi à l'International Herald Tribune et publié hier, quelques heures avant l'ouverture du sommet annuel entre les Etats-Unis et l'Union européenne à Vienne. Lors de ce sommet, l'UE devrait répéter sa demande de fermeture du camp de Guantanamo, à Cuba, où environ 500 supposés terroristes sont encore détenus par les Etats-Unis en dehors de tout cadre juridique, certains depuis plus de quatre ans. « Nous pensons que l'attitude morale que nous avons adoptée dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ne devrait pas être remise en cause par un quelconque vide ou une quelconque rupture au niveau du respect des droits de l'homme », a insisté M. Barroso dans le Financial Times d'hier. Sur un autre registre, José Manuel Durao Barroso est bien placé pour aborder la question sous tous ses aspects, puisque l'Europe se ferme aux populations de l'hémisphère, jugeant cela certainement normal, ou tout simplement comme un acte de souveraineté. Il s'est en effet déclaré inquiet du refus de Washington de permettre un accès libre, sans visa, aux citoyens des 10 nouveaux Etats membres de l'UE, pour la plupart en Europe de l'Est, estimant dans le FT que cela revenait à traiter les ressortissants de ces pays comme des « citoyens de seconde zone », alors pourtant qu'ils sont « très pro-américains ». Parallèlement à ces critiques, M. Barroso s'est félicité dans le Financial Times de « la nette amélioration des relations entre l'UE et les Etats-Unis », notamment sur le dossier du nucléaire iranien. « Nous sommes reconnaissants du soutien des Etats-Unis à la diplomatie européenne vis-à-vis de l'Iran », a ajouté M. Barroso. L'inverse serait également vrai, puisque la diplomatie européenne a apporté un soutien non négligeable aux Etats-Unis qui considèrent l'Iran comme un pays soutenant le terrorisme.