L'enquête menée par le magistrat instructeur près le tribunal de Chéraga sur la gestion de la caisse principale de la banque privée Khalifa a levé le voile sur une partie de ce scandale du siècle. Les premiers éléments de cette instruction ont montré comment Abdelmoumen Khalifa a réussi à collecter l'argent des sociétés publiques grâce à la corruption. Plus grave, Moumen a utilisé ces fonds pour soudoyer le monde sportif, sous le couvert du sponsoring. Ainsi, pour compléter la liste déjà citée dans notre édition du 20 juin, il est important que l'opinion publique soit informée des montants colossaux que Abdelmoumen a distribués aux clubs sportifs, entre 1999 et 2002. Entendu en tant que témoin 18 décembre 2005, Mohamed Ouzit, président de la JSMC, a déclaré que ce club a bénéficié d'un montant de 2,842 millions de dinars pour la saison 2001-2002 et un autre de 10 millions de dinars pour 2002-2003. Le président de la JSK, Hannachi Mohand Cherif, entendu le 20 décembre 2005 par le juge, a noté que son club a signé une convention de sponsoring avec le groupe Khalifa qui engage ce dernier à prendre en charge les salaires (35 000 DA) des 26 joueurs, les salaires mensuels (170 000 DA) des membres de l'équipe technique, l'octroi d'une prime de 20 000 DA et le transport (gratuit) à bord des vols Khalifa Airways. Lorsque l'équipe a remporté la coupe d'Afrique en 2002, Moumen lui a offert 25 véhicules Peugeot 307. Le président du Mouloudia d'Alger (témoin), Mohamed Messaoudi, a lui aussi déclaré le 21 décembre 2005, que son club a signé une convention avec le groupe Khalifa, en vertu de laquelle le Mouloudia a bénéficié de 30 millions de dinars en 2001-2002 et de la gratuité du transport sur Khalifa Airways. Le même jour, le juge a entendu (témoin) Ali Houhou, président du club sportif de Biskra, lequel a noté que ce dernier a bénéficié d'une somme de 4,62 millions de dinars pour la période 2000-2001 et 2001-2002. Le 24 décembre 2005, Meribout Abdennour, président de l'USM Annaba, a lui aussi affirmé en tant que témoin que son club a signé une convention de sponsoring avec le groupe Khalifa en vertu de laquelle une somme de 1,582 million de dinars a été versée à l'équipe en 2001. Cette convention a été reconduite en 2001-2002, saison durant laquelle le club a bénéficié de 5,5 millions de dinars. La même journée, le juge a également entendu en tant que témoin Youcef Djebari, président du Mouloudia d'Oran, lequel a expliqué que son club a été signataire d'une convention de sponsoring avec le groupe Khalifa, représenté, selon lui, par Lakhdar Belloumi, qui lui a permis la prise en charge en 2001-2002 des déplacements des joueurs et de l'hôtel. L'équipe a également, a-t-il ajouté, bénéficié d'autres montants durant la saison 2002-2003, reconnaissant que le club a déposé 8 millions de dinars à El Khalifa Bank. Le 25 décembre, le magistrat instructeur a convoqué en tant que témoin Abdelkrim Medouar, président de l'Olympique de Chlef, lequel a affirmé avoir signé une convention de sponsoring, qui lui a permis de bénéficier de deux montants, l'un de 4 millions de dinars (en 2000-2001) et l'autre de 12 millions de dinars (en 2001-2002). Le président du Widad Tlemcen, Mohamed Dib, a affirmé lui aussi avoir contracté une convention de sponsoring qui lui a permis de bénéficier d'un montant de 4 millions de dinars durant la saison 2000-2001 et d'un autre de 12 millions de dinars en 2001-2002. Plus de 22 milliards de dinars de préjudice pour les OPGI Le 9 avril 2006, le magistrat a entendu Lakhdar Belloumi (en tant que témoin) sur sa mission auprès des sociétés publiques, pour les convaincre de déposer leur argent dans les caisses d'El Khalifa Bank, comme l'ont affirmé de nombreux responsables notamment de l'ouest du pays. Belloumi a déclaré devant le magistrat qu'il a signé un contrat de travail avec El Khalifa Bank, en vertu duquel il perçoit un salaire 80 000 DA. Il a nié avoir entrepris des contacts avec les responsables des entreprises publiques, expliquant que son activité se limitait aux manifestations sportives que le groupe Khalifa organisait. L'ancien footballeur a estimé que la somme de 500 000 DA dont il a bénéficié en 2001 était un cadeau de Moumen à l'occasion de son mariage. Entendu (en tant que témoin) le 31 décembre 2005, Tahar Mokadem, ancien conseiller pour le sportif du groupe Khalifa, a déclaré qu'en dépit du fait qu'il a été nommé à ce poste en 2001, c'est le journaliste Mâamar Djebour qui était chargé du sport et du sponsoring des clubs, alors que Lakhdar Belloumi était le conseiller chargé du sport à l'ouest du pays et Ighil Ali Meziane, nommé également conseiller, n'avait pas de bureau avec ces deux derniers. Convoqué la même journée, Mâamar Djebour a expliqué qu'il a rejoint le groupe en mai 2001, après la signature d'un contrat de travail, lui assurant un salaire de 150 000 DA, sans qu'il démissionne de son poste de journaliste à la radio nationale, où il percevait un salaire. Il a également exercé à la chaîne de télévision Khalifa TV du mois de septembre 2002 au mois de mars 2003 pour un revenu supplémentaire de 3500 euros et une prime de 600 euros en frais de mission. Son rôle, a-t-il ajouté, était de conclure des conventions avec les clubs sportifs et qu'il a assisté à la cérémonie de financement par le groupe Khalifa de l'Olympique de Marseille à Paris, en juin 2001. Lors de cet événement, a-t-il déclaré, Abdelmoumen a remis des enveloppes contenant 5000 francs français à la soixantaine de journalistes algériens (privés et publics) et à quelques artistes. Le juge a révélé que la plupart des sommes déposées ont été suivies de privilèges au profit des responsables des sociétés publiques. C'est ainsi qu'une liste de 39 noms de responsables de sociétés publiques et de cadres ayant bénéficié de cartes annuelles de soins gratuits (d'une valeur de 120 000 DA) a été adjointe au dossier. Les montants de ces prestations n'ont malheureusement pas été honorés par Abdelmoumen, causant un préjudice de plus de 3,840 millions de dinars, auxquels il faudra ajouter 839 999 DA, la facture des frais de prestation pour une liste additive de 7 personnes. Au chapitre des dépôts des fonds des sociétés publiques, le magistrat a révélé dans son ordonnance que la caisse de la sécurité sociale Cnas a subi un préjudice de 10 milliards de dinars, l'agence de la même caisse à Chlef 44 millions de dinars, la caisse de retraites 4 milliards de dinars, son agence à Oum El Bouaghi 1,2 milliard de dinars, le Fonds de péréquation des œuvres sociales 14,518 milliards de dinars, la caisse de chômage 1,8 milliard de dinars, la caisse de sécurité sociale des non-salariés Casnos 12,660 milliards de dinars, le fonds de garanties des risques des petits crédits 1,323 milliard de dinars, la caisse régionale de mutualité agricole 5 millions de dinars, l'Agence de développement social 1,551 milliard de dinars et les OPGI à l'échelle nationale 22,274 milliards de dinars. A propos de ces pertes, le juge a entendu Abdelali Meziani (inculpé) à titre de président du conseil d'administration de la caisse de retraites, qui a reconnu avoir déposé le montant de 12 milliards de dinars (8 milliards ont pu être récupérés) dans les caisses d'El Khalifa Bank. Cette décision a été prise sans l'avis des 29 membres du conseil. Il a également été entendu en tant que chargé de l'administration et des finances de l'UGTA, pour s'expliquer sur le dépôt d'une somme de 80 millions de dinars appartenant à la centrale syndicale. Il a reconnu devant le juge avoir bénéficié d'un titre de voyage gratuit d'une année, pour lui et trois membres de sa famille, alors que son fils a été pris en charge par Khalifa Airways pour un stage de pilote. Arifi Salah (inculpé), ancien directeur général de la caisse de retraites, a reconnu avoir déposé 12 milliards de dinars de cette caisse à El Khalifa Bank, à l'issue d'une réunion de cinq membres seulement sur les 29 du conseil d'administration. Il a bénéficié de titres de voyage gratuits et du recrutement de son fils pour une formation de pilote. Ali Aoun, inculpé, PDG de Saidal, a déclaré avoir signé une convention avec la filiale Khalifa Médicament pour la fabrication de certains produits pharmaceutiques utilisés dans le traitement du sida. Il a affirmé que dès la signature de ce contrat, en février 2002, Abdelmoumen lui a envoyé une voiture de type Citroën 5, inscrite à son nom. Il a noté avoir remboursé le prix de cette voiture (2,39 millions de dinars) ainsi que les intérêts évalués à 410 000 DA, auprès du liquidateur. Le juge a entendu Mohamed Tchoulak, président de la mutuelle des travailleurs des P et T, qui a déposé la somme de 80 millions de dinars appartenant à la caisse d'assurance de la retraite des employés du secteur à El Khalifa Bank. L'ancien président de la Cnass (inculpé) Bennaceur Abdelmadjid a déclaré, quant à lui, avoir déposé les 10 milliards de dinars sur décision du président du conseil d'administration, Abdelmadjid Sidi Saïd. Il a reconnu avoir bénéficié d'une carte de soins au centre de thalassothérapie et une carte de paiement instantané en devise Master-Card, en dépit du fait qu'il n'avait dans son compte que 100 euros (pour bénéficier d'une telle carte, il faut avoir un minimum de 3000 euros). Le directeur général de la caisse de chômage et gestionnaire du fonds de garantie des risques des petits crédits, Mahrez Aït Belkacem, (inculpé) a reconnu avoir déposé 1,803 milliard de dinars, tout en avouant avoir bénéficié d'une carte de soins à la thalassothérapie, sans pour autant l'utiliser, et d'une formation pour son fils en tant que pilote à Khalifa Airways. Ce qui est énigmatique est que les 29 membres du conseil d'administration de la Cnas, entendus en tant que témoins, ont tous affirmé devant le juge n'avoir pas assisté à la réunion du conseil à l'issue de laquelle la décision de confier les fonds de la caisse des assurés sociaux à El Khalifa Bank a été prise et que celle-ci a été prise par Abdelmadjid Sidi Saïd qui a été entendu en tant que témoin.
