A la veille de la tenue du procès Khalifa, prévu demain en l'absence du principal accusé, Abdelmoumen Khalifa, la cour de Blida vit une effervescence particulière. De nombreux prévenus, sur les 124 cités dans le dossier, se présenteront aujourd'hui au parquet pour procéder aux formalités de la prise de corps, afin d'être mis en prison, comme le prévoit le code de procédure pénale, 24 heures avant le procès en matière criminelle. Pour la première fois dans les annales de la justice, le parquet de Blida s'est attelé hier à préparer la salle qui abritera les audiences du jugement. Un espace a été aménagé pour accueillir les journalistes et leur permettre de travailler dans les meilleures conditions. Pour ce qui est des avocats, le parquet a mis à leur disposition un bureau dans lequel ils peuvent avoir accès à la totalité du volumineux dossier judiciaire. Quelque 1500 documents, entre procès-verbaux d'audition, d'interrogatoire, de saisie, d'expertise et de pièces à conviction, l'ordonnance de renvoi etc., sont donc mis entre les mains de la défense et du ministère public. Bref, tout semble fin prêt pour la tenue de ce procès tant attendu, pour mettre la lumière sur le volet lié à la gestion de la caisse principale d'El Khalifa Bank et le dépôt des fonds publics dans cette banque privée. Dans cette affaire, 124 personnes ont été inculpées, parmi lesquelles 6 sont en détention provisoire depuis presque deux ans, 64 ont été placées sous contrôle judiciaire et 41 en liberté provisoire. 7 autres personnes, dont Abdelmoumen Khalifa, installées actuellement à l'étranger, et 6 de ses plus proches collaborateurs sont recherchées en vertu de mandats d'arrêt internationaux. Dans ce scandale aux multiples ramifications, il est néanmoins surprenant de constater que les pouvoirs publics représentés par cinq ministres, tous absents des débats, puisque non convoqués par le tribunal, n'ont, pendant toute la période où Abdelmoumen subtilisait l'argent du contribuable, rien vu ou entendu. L'ancien ministre de l'Habitat, Abdelmadjid Tebboune, a déclaré devant le magistrat instructeur, à propos des fonds déposés par les OPGI et EPLF à l'échelle nationale dans les caisses de la banque Khalifa, que cette décision a été prise par son prédécesseur, Abdelkader Bounekraf, tout en reconnaissant que l'opération s'est poursuivie à son époque et à celle de son successeur, Mohamed Nadir Hamimid. Néanmoins, il n'a pas expliqué pourquoi, à son époque justement, ces dépôts se sont poursuivis. L'ancien ministre a également nié avoir donné une quelconque instruction dans ce sens, tout comme il a démenti avoir ouvert un compte à Khalifa Bank ou signé l'agrément de Khalifa Construction. Pour ce qui est du dysfonctionnement de la banque privée, l'ancien ministre des Finances, Mohamed Terbèche, a rejeté la balle sur son prédécesseur, en expliquant avoir exercé en tant que ministre entre avril 2002 et mai 2003, période où le rapport de la Banque d'Algérie a été examiné par son département. Il a précisé que les agents qui ont rédigé ce rapport n'étaient pas habilités à le faire. Il a rappelé qu'à cette époque, le chef de gouvernement a installé une commission interministérielle composée des ministres de la Justice, Mohamed Chorfi, des Transports, Abdelmalek Sellal, des Finances, de la ministre déléguée à la Réforme financière, Fatiha Mentouri et du gouverneur de la Banque d'Algérie. M. Terbèche a précisé que durant son mandat, dix plaintes ont été déposées contre El Khalifa Bank pour violation de la loi du contrôle de change et des mouvements de capitaux. Le ministre des Finances, Mourad Medelci, actuel ministre des Finances, a affirmé n'avoir aucune relation particulière avec les banques ou leur contrôle, et ce depuis la promulgation de la loi sur la monnaie et le crédit et l'ordonnance 96/22 relative aux mouvements des capitaux. Il a totalement nié avoir été destinataire du gouverneur de la Banque d'Algérie d'un quelconque procès- verbal prouvant l'existence durant son mandat de violation de la loi. Lui aussi a estimé que les agents de la Banque d'Algérie n'étaient pas habilités à rédiger ce genre de rapports. L'ancien ministre du Travail et des Affaires sociales, Bouguerra Soltani, actuellement ministre d'Etat sans portefeuille, a déclaré au sujet des dépôts des fonds des caisses de la sécurité sociale à El Khalifa Bank n'avoir pas été mis au courant, tout en reconnaissant que ces institutions sont mises sous sa tutelle. Dans ce même chapitre, le secrétaire général de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, convoqué par le juge au titre de président du conseil d'administration de la Caisse nationale des assurés sociaux (Cnas), a lui aussi nié avoir bénéficié de privilèges de la part de Abdelmoumen Khalifa ou de sa banque, en contrepartie du dépôt des fonds de la Cnas dans les caisses de la banque Khalifa. Il a expliqué que la résolution consacrée au dépôt de fonds a été signée par les membres du conseil d'administration, alors que ces derniers, interrogés par le juge, ont affirmé n'avoir jamais entendu parler de cette décision. Tous ces témoins capitaux qui auraient pu éclairer l'opinion publique sur cette affaire de par les postes de responsabilité qu'ils occupaient à l'époque, seront absents des audiences. La défense compte exiger leur présence.