Le candidat indépendant à l'élection présidentielle, Ali Benflis, n'a pas tardé à répondre au président-candidat, Abdelaziz Bouteflika, qui l'a accusé de «terrorisme» devant un responsable étranger, en l'occurrence le ministre espagnol des Affaires étrangères, en visite en Algérie le 12 avril. Lors d'une conférence de presse qu'il a animée hier à son QG de campagne à Ben Aknoun, sur les hauteurs d'Alger, l'ancien chef de gouvernement fait sienne «l'indignation la plus massive de la jeunesse lorsqu'un candidat a cru se plaindre d'un autre candidat devant un représentant étranger». «N'est-ce pas elle (la jeunesse) qui a tenu à dire toute son incrédulité de voir ce candidat – de surcroît président d'honneur de l'Organisation nationale des moudjahidine – se lamenter devant un hôte étranger de la démarche légitime et légale d'un autre candidat ?» s'interroge Ali Benflis qui, d'un ton ferme, considère que «l'Algérie est fille de Novembre 1954 et, ici plus qu'ailleurs, nous tenons tous à ce que l'élection de son président reste une affaire strictement algéro-algérienne au sujet de laquelle les puissances étrangères n'ont pas droit de regard». Le candidat tranche en effet : «Notre peuple, tout notre peuple sans exception aucune, ne peut tolérer ou accepter que son chef de l'Etat, de son propre gré ou contre son gré, se permette un tel comportement contraire aux règles les plus élémentaires de la diplomatie.» Ali Benflis dit, a contrario, s'être «interdit et s'interdira de traiter de nos problèmes nationaux à l'étranger ou à des officiels étrangers». «Il s'agit là d'une règle sacrée qui ne tolère aucune dérogation», estime le rival de Abdelaziz Bouteflika, qui pense : «Y déroger, c'est heurter la souveraineté et l'indépendance du pays, c'est blesser l'honneur de notre grand peuple et c'est surtout attenter à la fierté de notre nation.» Ali Benflis qui a tenu à recadrer la déclaration à l'origine de «l'accusation de terrorisme qui a été de manière délibérée et irresponsable» contre lui et ses «soutiens devant une personnalité étrangère», affirme que «les propos qu'il a tenus ont été sortis de leur contexte et instrumentalisés de manière éhontée». «Mais la manœuvre, poursuit-il, est tellement grotesque qu'elle n'a trompé personne.» Ali Benflis explique : «Ces propos contiennent un appel lancé à l'administration algérienne et à ses cadres chargés de l'organisation de l'élection présidentielle d'agir en conscience et de veiller à respecter et faire respecter la neutralité, l'impartialité et l'équité à l'égard de toutes les candidatures à la présidentielle.» «Est-ce que le fait de dénoncer la fraude et exiger le respect de la volonté populaire est un terrorisme ?» s'étonne l'ancien chef de gouvernement, qui indique : «La stabilité c'est moi !» Ali Benflis, qui fait remarquer qu'il ne s'est pas absenté une seule fois durant la décennie noire, «prend à témoin le peuple sur son engagement à ne ménager aucun effort pour défendre la stabilité de notre pays et le mettre à l'abri de toute forme d'aventurisme». Défendre la stabilité de l'Algérie, aujourd'hui, cela signifie pour lui d'abord et avant tout respecter la volonté souveraine du peuple car, explique-t-il encore, «le développement et la stabilité passent inévitablement par la légitimation des institutions». «Depuis quand le respect de la volonté du peuple est-il assimilé à la fitna ? Depuis quand le simple fait de déclarer la nécessité de respecter les règles légales qui président à l'organisation d'une élection est interprété comme une atteinte à la stabilité ?», dénonce le candidat Benflis, qui rappelle que durant toute la campagne électorale, il a «veillé à proposer aux Algériens une véritable alternative et un projet qui incarne toutes les espérances». Affirmant s'être «interdit de tomber dans le travers de l'insulte, car la politique et l'éthique sont deux mots qui se conjuguent au même temps», Ali Benflis estime que les accusations sans fondement dont il fait l'objet «renseignent sur l'état de panique et de désarroi qui s'est emparé de ceux qui les ont proférées de manière irresponsable». Selon lui, ceux-là oublient ou feignent d'oublier que «le peuple algérien est un témoin vigilant. Il sait et saura distinguer entre les tenants de l'honnêteté et ceux de la malhonnêteté, entre les adeptes de la démocratie et ceux du pouvoir à vie et du pouvoir héréditaire». Confiant et serein des résultats de l'élection de demain, Ali Benflis indique qu'il a préparé un mécanisme pour une surveillance totale des bureaux de vote. En cas de fraude, qu'il qualifie «de forme de terrorisme», le candidat promet de ne pas se taire. Mais devant l'insistance des journalistes nationaux et de la presse internationale qui veulent savoir avec précision ce qu'il fera, le conférencier promet de «dénoncer, de protester» et il ne sera «pas seul, car il y aura des millions d'Algériens avec moi». Plus précis, l'ancien chef de gouvernement déclare qu'il «restera sur la scène pour lutter avec la classe politique et construire une société démocratique». Ali Benflis, qui affirme avoir préparé un plan antifraude de plus de 60 000 surveillants, appelle à un changement pacifique et dément toutes les intentions qu'on lui prête de vouloir produire le chaos. «Je veux un changement démocratique sans casse», insiste le candidat.