Assistons-nous à un retour de flamme du terrorisme dévastateur ? Y a-t-il une baisse de vigilance de la part de l'Etat pour que les embuscades, les bombes et même les égorgements (à Blida) reprennent dans une Algérie théoriquement pacifiée par l'alchimie de la réconciliation nationale ? Ce qui s'est passé le week-end dernier à Bouira est tellement grave qu'il ne peut être justifié par la formule en vogue de « derniers soubresauts de criminels en désarroi » par laquelle nos dirigeants tentent, à forte dose de discours soporifique, de chloroformer une opinion publique inquiète. Doit-on pour autant se résigner à reprendre la comptabilité macabre des militaires, des policiers ou des simples bergers qui périssent quasi quotidiennement ? A y voir de près, la banalisation qui avait fait tant de mal à la lutte contre le terrorisme est en train de se réinstaller au grand bénéfice des tueurs qui, eux, n'ont jamais baissé la garde et opèrent de façon spectaculaire. Un simple calcul arithmétique renseigne que les groupes armés tuent une dizaine de personnes au moins chaque mois. Et c'est déjà suffisant pour (ré) éveiller les consciences. Le triomphalisme béat des autorités politiques est malheureusement battu en brèche par la réalité du terrain marquée par un activisme terroriste étonnamment nuisible pour les « quelques groupuscules éparpillés », selon la formule consacrée. Le constat est d'autant plus alarmant que les forces de sécurité versées dans la lutte antiterroriste ont acquis une précieuse expérience qui leur avait permis de neutraliser les plus dangereux des émirs du GIA. Comment expliquer donc que ces mêmes forces, si rompues à la lutte, donnent aujourd'hui l'impression d'être dépassées par les événements ? A moins qu'il y ait eu un renouvellement des contingents en fonction des objectifs politiques du pouvoir. En l'occurrence, l'engagement sans faille dans la traque des dernières poches de criminels ne cadre pas spécialement avec la main tendue aux terroristes. Bien que, officiellement, cette main tendue devait être couplée à un « Seif El Hadjadj » qui allait être brandi devant les irréductibles qui rejetteraient l'offre de paix. La recette marche ailleurs, pas en Algérie ! Or, sur le terrain, force est d'observer que même les barrages fixes des services de sécurité sont de moins en moins présents. Curieusement, on est en train de revivre la même situation qu'en 2000. En effet, la période de probation accordée aux terroristes pour se rendre dans le cadre de la concorde civile fut mise à profit par les terroristes pour faire parler la poudre. Aujourd'hui, le même scénario semble de mise à quelques semaines de la fin du délai de grâce accordé aux groupes armés comme prévu dans la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Les libérations à tour de bras d'anciens terroristes et l'accueil presque avec les honneurs des anciens tueurs anoblis par décret semblent avoir servi curieusement de détonateur à cette nouvelle recrudescence qui bouche à nouveau les horizons. Pour avoir trop donné à ceux qui ont saigné à blanc le pays, l'Etat se retrouve quasiment sur la défensive. Et il paye chèrement le prix de cette démarche incohérente qui consiste à tenter un mariage entre magnanimité et rigueur à l'égard des terroristes. Mais, à la décharge des promoteurs de la « réconciliation ou rien », le pire prend subrepticement le pas sur le meilleur. Cette loi arrachée au forceps aux Algériens qui ont souffert dans leur chair n'a pas été la panacée. Le pouvoir, qui refile de précieux tuyaux dans la lutte contre le terrorisme aux Américains, Britanniques et Russes, ferait sans doute mieux de tenter la recette d'abord en Algérie.