L'économie marocaine a connu une légère reprise au premier semestre 2006. Insuffisante toutefois pour effacer « l'effet pétrole » sur la balance commerciale du pays dont le déficit se creuse un peu plus. Le Maroc serait en train de sortir du choc de 2005 qui a plombé son essor économique et réduit sa croissance à 1,8% au moment du lancement d'un ambitieux « programme émergence ». La croissance du PIB, au 1er trimestre 2006, se situerait aux alentours de 5,7%, en glissement annuel, selon le haut-commissariat au plan (HCP). On se souvient que ce tassement brutal de la croissance (4% en moyenne sur les deux années précédents 2005) a été la conséquence « en temps réel » de deux effets croisés néfastes pour l'économie marocaine. D'abord la forte hausse des produits pétroliers tout au long de l'année, ensuite la fin - dès le 1er janvier 2005 - de l'accord multifibres qui aménageait un accès privilégié au textile marocain - mais aussi tunisien - sur le marché de l'Union Européenne. Sur quelles données repose la prévision du Haut commissariat au plan marocain pour annoncer une reprise aussi vigoureuse ? Il s'agit en fait d'une combinaison d'indices positifs dans les secteurs dynamiques de l'industrie au premier semestre 2006, de l'esquisse d'une bonne récolte agricole à cause d'une pluviométrie généreuse, et d'une saison touristique qui s'annonce sous les meilleurs hospices. Un chiffre pourtant, un seul, suffit à ternir quelque peu le tableau d'ensemble de l'économie marocaine malgré l'incontestable redressement de ses ressorts : à fin avril 2006, les importations ont augmenté de 10,1% sur un an pour atteindre près de 61,8 milliards de DH, selon l'Offices des changes. Les exportations ont cru moins rapidement (8,7%), s'établissant à environ 33,4 milliards de DH. Le déficit ressort ainsi à 28,3 milliards, en hausse de 11,7% et le taux de couverture à 54,1%, contre 54,7% à fin avril 2005. En somme l'économie marocaine n'est pas encore arrivé à endiguer le creusement de son déficit commercial alors que le pays s'engage de plus en plus résolument dans une stratégie de promotion des investissements dont il faudra attendre les meilleurs effets plus loin dans le temps. Les bons chiffres de l'industrie Autre bémol, plus léger, les estimations du haut commissariat au plan ont été établies selon l'ancien système de comptabilité nationale, base 1980, en attendant leur quantification selon le nouveau système. La valeur ajoutée marchande hors agriculture aurait, ce mode d'estimation ancien, évolué, d'environ 4%. La contribution du secteur agricole est de 3,1 points. La grande satisfaction de la conjoncture marocaine pour ce premier semestre 2006 est bien sur la reprise dans les filières manufacturières liées aux exportations. L'indice de la production industrielle a enregistré un accroissement de 4,1% au cours du 1er trimestre 2006, indique le HCP. Cette évolution est due à l'amélioration de la production des industries de l'habillement (+7,6%), des industries métallurgiques de base (+19,5%), des ouvrages en métaux (+27,8%), des machines et matériel d'équipement (+5,1%), du matériel de transport (+30,9%), du matériel de bureau, de mesure, d'optique et d'horlogerie (+7,3%), de la menuiserie en bois (+12,5%), des industries de l'imprimerie et du papier et carton (+4,5%) et des industries du plastique et caoutchouc (+7,5%). En revanche, des baisses ont été enregistrées au niveau des industries agroalimentaires (-0,2%), du matériel et fournitures électriques et électroniques (-1,9%), des industries chimiques et para-chimiques (-3,4%) et des autres industries manufacturières (-4,1%). Si la croissance industrielle est réelle, celle de la production agricole marocaine est une projection « réaliste » du HCP. Ainsi la bonne pluviométrie de l'hiver printemps 2005-2006 laisse augurer d'une production céréalière pour la campagne agricole 2005-2006 de 86 millions de quintaux, soit plus du double de la récolte de l'année précédente qui était de 41,4 millions de quintaux. Une croissance de plus de 100% qui pèserait de tout son poids dans le rebond de la croissance globale de 1,8% en 2005 à 5,7% prévus pour 2006. Les prévisions du HCP annoncent environ 19 millions de quintaux de blé dur (22% du total), à 42 millions de quintaux de blé tendre (49%), et à 25 millions de quintaux d'orge (29%). Le rendement moyen prévisionnel, s'élèverait ainsi à 16,2 quintaux à l'hectare (de quintaux/ha). Deux chiffres viennent télescoper la bonne tenue collective de indices de production de l'économie marocaine au premier semestre 2006, celui des mines et celui de l'énergie, dans cet ordre d'importance.Au cours du 1er trimestre 2006, le HCP indique que l'indice de la production minière s'est inscrit en baisse de 3%. Cette évolution est due à la baisse de la production des minerais métalliques (-2,5%) et à celle des produits non métalliques (-3,1%), dont les phosphates (-3,5%). La production énergétique a baissé de 1,1% par rapport à la même période de l'an dernier. Cette baisse résulte de la régression de la production du raffinage de pétrole (-9,5%) alors que la production de l'énergie électrique a progressé de 4,6%. Tourisme et transferts, une filière solide La balance des paiements marocaine aurait pu connaître, après le choc pétrole textile de 2005, un début de déséquilibre sérieux si le tourisme et les transferts de devises de la diaspora marocaine n'affichaient pas une solide croissance ces trois dernières années. Le département du Tourisme indique que ce sont 1.684.000 touristes qui sont entrés au Maroc à fin avril 2006, dont un tiers de marocains résidents à l'étranger (MRE) et deux tiers d'étrangers. Quant aux nuitées, leur croissance de +9% s'explique par les résultas positifs réalisés tant par les touristes non-résidents (+10% de nuitées) que par les résidents (+6%). Pour le seul mois d'avril 2006, les arrivées de touristes ont atteint 533.000, soit +31% par rapport à avril 2005. Le nombre de nuitées affiche une hausse de l'ordre de +18%. Les recettes voyages se sont chiffrées, à fin avril 2006, à un peu plus de 13 milliards de DH, en hausse de 18,2% par rapport à la même période en 2005, selon l'Office des changes. Pour le mois d'avril, elles augmentent d'un quart (25,8%) à plus de 3 milliards. En comparaison à la moyenne des recettes réalisées sur la même période des années 2001 à 2005, ces rentrées d'argent sont en croissance de moitié. Les transferts MRE s'élèvent à 13,7 milliards de DH à fin avril 2006, soit une progression de 13,8% sur un an. Elles s'inscrivent en hausse de 28,8% par rapport à la moyenne des recettes à fin avril des cinq dernières années, soit 10,65 milliards de DH. Les autorités restent prudentes devant les incertitudes Le gouvernement Marocain reste toutefois prudent devant l'évolution de la conjoncture. Les exportations sont certes reparties, mais les flux des IDE reste modeste pour espérer aligner la compétitivité intérieure sur l'offre asiatique, principal concurrents des produits manufacturés marocains. La persistance des cours élevés du pétrole inscrit le déficit commercial marocain dans la durée. La bonne nouvelle est que cela n'a pas eu d'incidences graves sur l'inflation intérieure, encore moins sur l'activité. Pour la première fois depuis 1971, le taux de chômage est d'ailleurs passé sous la barre des 10%. "Il s'est établi à 9,8% lors du 1er trimestre 2006, contre 11,3% à fin mars 2005", indique le HCP. Cette baisse concerne le milieu urbain ou le taux est passé de 19,2% lors du 1er trimestre 2005 à 15,4% au terme des trois premiers mois de cette année. En zones rurales, le chômage a augmenté de 0,6 point passant de 3,3 à 3,9%. Cette baisse « historique » du taux de chômage s'explique plus par les effets de l'évolution démographique que par un boom économique marocain qu'il faudra attendre un peu plus tard. Conséquence de la transition démographique amorçait au début des années 80, la population active a baissé de 0,9% en 2006.