Le Maroc a souffert en 2005 de la flambée du prix du pétrole. Cela a coïncidé avec un tassement de ses exportations. Conséquence, la croissance se ramollit. La solution est dans un surcroît d'exportations. C'est le contexte qui le dicte. Le Maroc a entamé le dernier trimestre d'une année 2005 économiquement décevante à plus d'un titre, en regardant déjà vers 2006, annoncée plus prometteuse. Les vents contraires se sont ligués pour ralentir l'activité et diviser par deux les prévisions de croissance. Elles étaient de 3% dans la loi de finances : 1,5% est le chiffre le plus réaliste attendu à la fin de l'année. C'est un coup d'arrêt à la bonne tendance des dernières années, 4,5% en 2003 et 3 % en 2004. Trois événements ont pesé sur la conjoncture : la baisse des exportations notamment du textile déstabilisées au premier semestre par le rush chinois sur l'Europe correspondant à la fin de la politique des quotas ; la hausse vertigineuse de la facture énergétique qui a creusé le déficit commercial ; une mauvaise pluviométrie qui a réduit la production agricole (-57% par rapport à 2003-2004). Cette mauvaise passe n'empêche pas le gouvernement de Driss Djettou de bâtir son projet de loi de finances pour 2006 sur un scénario de reprise « par le haut » de l'activité. Le ministre marocain des finances Fathallah Oualalou prévoit un taux de croissance de 5,4% en 2006, en dépit d'un prix de référence du brut - très pessimiste du point de vue de la facture d'importation - à 60 dollars le baril. Du point de vue officiel, les raisons d'espérer seraient nombreuses dans un contexte macroéconomique toujours stable avec une inflation à moins de 2% et des déficits publics encore bien contenus. En 2006, l'économie marocaine aura absorbé pour l'essentiel le choc pétrolier de cette année et pourra bénéficier d'une bonne saison agricole déjà amorcée, d'un nouveau parapluie pour les exportations de produits textiles avec le rétablissement des quotas sur les produits chinois aux portes de l'Union européenne et d'une diversification des activités liées à l'international qui annonce un rebond des exportations à l'actif de nouvelles activités. Le fait remarquable est incontestablement la part qu'aura prise désormais le sort des exportations dans la détermination de la couleur, grise ou rose, de la conjoncture économique au Maroc. En hausse constante depuis cinq années, les exportations marocaines étaient devenues, avec près de 10 milliards d'euros de recettes, une deuxième locomotive de la croissance aux côtés de la demande domestique émergeante dans un pays de 31 millions d'habitants. La part importante de la production textile dans ces exportations a joué un mauvais tour aux comptes du commerce extérieur en 2005, lorsque les produits marocains ont perdu la protection de fait que leur procurait l'accord multifibres qui limitait administrativement les exportations chinoises vers le marché européen, débouché de prédilection pour le Maroc. En 2004, le chiffre d'affaires de l'industrie du textile était de 35 milliards de dh (1 euro = 10,8 dh) et représentait 42 % des emplois industriels (environ 220 000 employés) et 13 % de la valeur ajoutée industrielle. Le textile s'est surtout 26 % des exportations totales du pays. Or deux lignes de produits essentiels dans la filière textiles, le vêtement confectionné et la bonneterie ont vu leur exportations baisser de 9,2 % et 16 % sur les huit premiers mois de l'année 2005. Les performances des autres secteurs exportateurs, l'agro-alimentaire, le phosphate, ont contenu à 1% le recul global des exportations dans lesquels les produits agricoles ont connu eux aussi une baisse. Un tournant vers le tout exportateur Surprises par cette « érosion de la compétitivité extérieure du pays », les autorités marocaines ne veulent pas s'arrêter au milieu du gué. L'économie continuera de s'orienter de manière volontariste vers les activités d'exportation dans les années qui viennent, notamment en consolidant la priorité à l'accueil des capitaux étrangers. Le pari exportateur marocain, en bonne voie d'être gagné dans la durée, a été bousculé sur son agenda par le renchérissement de la facture énergétique. Il devient urgent d'exporter beaucoup plus - en volume et en valeur - non seulement pour soutenir l'activité, poursuivre la baisse du chômage (stabilisé à 11 % en 2005), mais aussi pour éviter au pays de retomber dans des difficultés de balance de paiement comme celle qui l'avait conduit au milieu des années 1980 sous les fourches caudines du FMI. Au dernier trimestre 2005, le tableau n'a encore rien d'alarmant. L'encours de la dette extérieure est inférieur à 15 milliards de dollars, les réserves de change assurent une année d'importation et l'endettement public demeure contenu sous les 75 % du PIB. balance commerciale Il n'en reste pas moins que l'effet de ciseau dans la balance commerciale entre tassement des recettes d'exportations et gonflement de la facture d'importation est suffisamment spectaculaire cette année pour susciter de réelles inquiétudes. Sur les 8 premiers mois de l'année, les exportations marocaines ne couvraient plus que la moitié des importations (49%). Un coupable à ce fait, bien sûr le prix du pétrole. Sa facture a augmenté de 55 % depuis le début de l'année. Le déficit commercial marocain a été tiré vers les abysses à environ 5 milliards d'euros à fin août 2005, soit une aggravation de 27,1% par rapport à la même période en 2004. La part de l'énergie et lubrifiants dans le total des importations du Maroc a dépassé pour la première fois le seuil historique des 20%. Pour l'heure, ce sont deux postes, les recettes du tourisme et les transferts de la diaspora, traditionnellement avantageux de la balance des paiements qui ont tenu leur rôle de pompier devant cette incendie. L'un et l'autre sont en progression constante depuis cinq ans et ont permis d'engranger environ 5 milliards d'euros sur les huit premiers mois de l'année, un montant sensiblement équivalent à celui du déficit de la balance commerciale. La corde demeure bien raide pour autant et l'option d'une plus grande diversité des créneaux exportateurs dans l'avenir devient une exigence de la conjoncture. Les parts du phosphate, du textile et des produits agricoles frais devront baisser dans un panier des exportations marocaines en expansion. Organisée pour la première fois en direct sur la chaîne de télévision 2M, la cérémonie du trophée des exportateurs, un grand-messe qui a réuni toute l'élite économique du pays, a été l'occasion la semaine dernière d'insister sur les nouvelles activités exportatrices. Exemple, parmi tant d'autres, d'adaptation à l'international, Diversam Comeral autrefois positionnée dans les allumettes a étendu, grâce à un partenariat avec une firme italienne, son activité à la bougie de décoration et en a exporté près de 10 millions de dirhams en 2005. « Des PME marocaines qui opèrent le saut vers les marchés extérieurs », voilà au Maroc le slogan montant pour aborder 2006 et oublier 2005. Driss Djettou assistait début octobre à la signature d'un contrat avec un important groupe d'avionique européen. C'est une firme marocaine qui, pour un chiffre d'affaires supérieur à 10 millions d'euros, fabriquera désormais en sous-traitance les systèmes câblés pour la filière aéronautique de ce groupe. Le Maroc sous-traite déjà pour des équipementiers automobiles, de la pièce détachées pour plusieurs dizaines de millions d'euros. La diversification des exportations marocaines prend à quelques années d'écarts le chemin des mutations tunisiennes. Dans une pathétique course contre la montre.