Un transport d'uranium américain sur les routes de France... Une attaque terroriste, le camion tombe d'un pont, et le container d'uranium s'ouvre... Bilan : des milliers de morts et une région contaminée. Ce scénario catastrophe est imaginé par Greenpeace. Pour l'organisation, 140 kilos d'uranium, soit l'équivalent de la matière première pour plusieurs dizaines de bombes atomiques, représentent un « risque gigantesque ». Un danger que les autorités françaises ne semblent pas prendre en compte. Les Etats-Unis ont décidé de diminuer leur stock d'uranium, louable intention dans un contexte international tendu. Entre Israël et l'Iran, la tension monte sur le thème des centrales nucléaires à usage civil qui pourraient être employées à des fins militaires. La Corée du Nord ne désarme pas et inquiète la communauté internationale avec ses stocks nucléaires. Et pourtant les Etats-Unis ont conclu un partenariat avec la France. En septembre 2004, 140 kg d'uranium vont être acheminés par bateau de la côte est des Etats-Unis vers le port français de Cherbourg. Puis ils seront transportés par route dans les Bouches-du-Rhône pour être transformés en un combustible civil innovant, le Mox. Un trajet de 1200 km à haut risque, selon Greenpeace. L'uranium sera conservé dans un container d'un type bien particulier, appelé FS 47, conforme aux critères de sûreté internationale. L'Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) garantit notamment que ce container puisse résister à une chute de cinquante mètres et à un feu dont la température pourrait dépasser 800°C pendant plusieurs heures. Ce qui représente le cas extrême d'un incendie survenant dans un tunnel. Néanmoins, selon Frédéric Marillier, chargé de la campagne antinucléaire de Greenpeace, l'IRSN n'a jamais effectué de « test destructeur », indispensable à l'estimation du risque potentiel de dissémination de la poussière d'uranium dans l'air. Frédéric Marillier affirme que Greenpeace a fait appel à John Large, l'expert qui avait participé au renflouement du sous-marin nucléaire russe, Koursk. John Large a publié une étude sur le risque potentiel d'un accident de transport d'uranium. Et il a comparé les estimations américaines et françaises en mettant en valeur leurs contradictions. Frédéric Marillier a déclaré que, selon une étude américaine, « plusieurs centaines de grammes de plutonium pourraient s'échapper du container ». L'IRSN affirme, au contraire, que dans tous les cas, seuls « 0,07 gramme de plutonium se dégagerait », toujours selon Marillier. Et il ajoute que l'IRSN n'a rendu publique qu'une seule étude sur la résistance du container : si un missile antichar ou une roquette frappait le conteneur, celui-ci serait détruit. Au vu de ces risques, Greenpeace conteste la justification du transport des gouvernements américain et français. Selon Frédéric Marillier, lorsque les autorités américaines ont décidé de se débarrasser des 140 kilos de plutonium, deux solutions s'offraient à elles. Le plutonium pouvait être mélangé à d'autres déchets nucléaires. Cela l'aurait rendu inexploitable à la fabrication d'une bombe, limitant du même coup les risques de détournement par un groupe terroriste. Le Congrès américain estimait que cette solution était la moins coûteuse. Néanmoins, les autorités américaines et françaises ont opté pour une solution innovante : utiliser l'uranium en le mélangeant à du plutonium, et en faire un combustible nucléaire civil. Or actuellement seule la France maîtrise cette technologie. Voilà pourquoi l'uranium américain devra faire un aller-retour entre les Etats-Unis et la France. Or les risques de détournement ou d'accident doivent également être pris en compte pendant le trajet retour. Car le Mox, tant qu'il ne sera pas traité par une centrale américaine, peut être utilisé pour la fabrication d'une bombe atomique « artisanale ».