Ce jeudi 29 juin, comment les pédiatres de toutes les régions du pays réunis à l'initiative de L'Association des médecins privés de Annaba (AMPA), ressentiront-ils la 14e commémoration de l'assassinat de Mohamed Boudiaf, le président du Haut conseil de l'Etat (HCE) sur les lieux même où l'acte a été commis ? Certains d'entre eux, particulièrement ceux des régions de l'est du pays y étaient. Ils ont conservé le souvenir des heures terribles et pénibles qu'ils ont vécues le 29 juin 1992. Ils ont encore en mémoire les aiguilles de leur montre qui marquaient 11 h 35, les phrases qu'avait exprimées, avant de s'éteindre à tout jamais, le grand homme venu, du Maroc, sauver l'Algérie et sa jeunesse. Ils se rappelleront son courage et sa fermeté. Ils ont certainement toujours en mémoire sa détermination à lutter contre l'extrémisme, ses espoirs dans la construction d'une grande nation et en la création de postes de travail principalement à destination des jeunes. C'est entouré de cette même jeunesse qu'il s'était assis sur un fauteuil noir installé sur le plancher du palais qui porte aujourd'hui son nom. Dans cet antre de la culture et des arts, avant d'entamer leurs travaux l'« Antibiothérapie et vaccination chez l'enfant », le thème de leur rencontre, les pédiatres passeront au révélateur les 14 années de l'histoire de l'Algérie depuis la disparition de Mohamed Boudiaf. Ils entendront une nouvelle fois l'éclat assourdi d'une grenade, revivront le bref instant d'une fumée grisâtre avant de voir apparaître une ombre des ténèbres. Celle de l'assassin Boumarafi, cet homme qui était habillé de la tenue bleue des services de sécurité. Avant de commettre son ignoble acte, Boumarafi s'était bien campé sur ses 2 jambes, a toisé le public présent dans la salle entre éléments de la sécurité, cadres de la république et simples citoyens, puis, calmement, a vidé, à partir de la tête, le chargeur de son pistolet automatique sur tout le corps de Mohamed Boudiaf. Ce 29 juin 2006, sous le dôme aux couleurs pourpres et or de ce palais de la culture et des arts, montera un envol de symboles. Les jeunes et moins jeunes pédiatres égrèneront une séquelle de nostalgies. Celle d'une Algérie déstabilisée par l'extrémisme. Celle du dossier de la mafia politico-financière que Mohamed Boudiaf s'apprêtait à ouvrir pour la combattre, tout en préparant de longue main l'Algérie de demain. Le président du HCE s'apprêtait aussi à lancer son combat contre l'incurie, l'anarchie, le sous-développement, le chômage, et pour que s'éloigne des algériens l'apartheid de l'oubli que leur imposait jusqu'alors un pouvoir conservant, sous climatiseurs, les idées de grandeurs et de richesses du pays. Aux côtés de 3 de leurs confrères français invités à communiquer leurs expériences en matière de maladies infantiles, les pédiatres algériens vivront, le temps d'une journée, 14 années de désenchantement et de désamour dans une Algérie dévaluée dans les ratages démocratiques, économiques et sociales. Certes, ils débattront des défenses immunitaires chez l'enfant, de la situation vaccinale des enfants algériens, de l'écologie bactérienne et antibiothérapie, de l'ATB en pneumologie pédiatrique et pathologie ORL, de l'infection néonatale et urinaire, de la cardiopathie. Mais ils auront à l'esprit l'incapacité de nos décideurs à marier nos richesses naturelles au progrès démocratique et à l'efficacité économique, à lutter contre l'enfer des régions bidonvilles, le désespoir de la jeunesse, le découragement des agriculteurs, la fuite des cerveaux... C'est ce qu'aurait pu réaliser Mohamed Boudiaf, un des rares fondateurs d'une vraie Algérie. Ce sont tous ces souvenirs que vivront les pédiatres d'Algérie et de France ce jeudi 29 juin à Annaba, au moment de déposer la gerbe de fleurs au pied de l'effigie du défunt Président que la mairie n'a toujours pas pensé à entretenir.