Le large consensus sur le projet de révision constitutionnelle, tel que voulu par Bouteflika au plan de la démarche politique, a déjà fait chou blanc alors que le débat sur le sujet n'a pas encore été ouvert. N'ayant pas réussi à faire admettre au pouvoir l'alternative de la transition démocratique et l'idée de la mise en place d'une Constituante, l'opposition, regroupée au sein de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique, a rejeté tout naturellement l'offre de Bouteflika de s'associer aux discussions sur ce dossier, qui seront ouvertes en juin prochain sous la conduite d'Ahmed Ouyahia, directeur de cabinet de la présidence de la République. Le pouvoir aura tort de considérer cette position de l'opposition comme un épiphénomène politique qui n'impactera en rien le contenu et les objectifs des réformes que Bouteflika s'est engagé à lancer durant ce nouveau mandat. Après avoir rapidement fermé la parenthèse de la contestation autour de la candidature de Bouteflika à travers une réélection programmée et pris acte du refus de l'opposition d'intégrer le gouvernement après l'avoir sollicitée sans illusion, le pouvoir vient d'avoir une nouvelle confirmation, à travers le boycott par l'opposition des consultations sur la révision constitutionnelle, que les ponts sont bien coupés avec une large frange de l'opposition. Le fait est que même des forces politiques se réclamant de l'opposition tout en étant paradoxalement proches du cercle présidentiel, comme le Parti des travailleurs, ont une autre vision de sortie de la crise que le pouvoir. Même si cela n'empêche pas pour autant ce parti de donner sa caution au processus politique en cours. L'élection d'un Président, à plus forte raison lorsqu'il est issu d'un scrutin controversé qui avait plongé le pays dans un climat de guerre verbale mais aussi physique, ne donne pas nécessairement les pleins pouvoirs au chef de l'Etat qui ressembleraient à des pouvoirs spéciaux. Lesquels seraient en porte-à-faux avec les principes constitutionnels qui fondent un Etat démocratique ou qui voudrait le devenir. En ignorant de larges pans de l'opposition mais aussi les avis des personnalités, dont celles connues pour leurs sagesse et patriotisme comme l'ancien président Zeroual, voire d'une bonne partie de l'opinion et de la société civile qui ne retrouvent pas leurs préoccupations et espérances dans la nature des réformes que le pouvoir s'apprête à engager et la démarche politique qui les sous-tend, le pouvoir ne fera qu'entretenir, tout en les exacerbant, les fondements de la crise. Le pouvoir en place a montré toute son incapacité à aller dans le sens de l'histoire, comme ce fut le cas d'autres expériences dans notre aire géopolitique. Par son obstination et son refus de l'alternance il a, en mauvais élève de l'histoire, fourni la preuve éclatante qu'il ne pouvait pas s'amender de l'intérieur. Alors que des partis qui se sont voué une guerre politique et idéologique sans merci durant la décennie noire acceptent de s'asseoir à une table de discussion pour la mise en place d'une période de transition politique pour le pays en associant – sans que cela ne semble choquer personne en apparence – même la frange de l'islamisme la plus radicale représentée par le FIS dissous, le pouvoir est le seul à continuer à voir dans l'acte électoral une assurance-vie. Le réveil risque d'être brutal.