La politique c'est la continuation de la guerre par d'autres moyens, pour reprendre un théoricien de la guerre. La démarche politique du pouvoir sous-tendant le débat sur la révision constitutionnelle entre dans cette philosophie politique chère au pouvoir et visant à entretenir les germes de la crise en proposant toujours par des voies sinueuses de fausses solutions aux vrais problèmes qui se posent au pays. La feuille de route des réformes politiques et institutionnelles que le président Bouteflika s'est engagé à mettre en œuvre durant son nouveau mandat n'est, en cela, que le prolongement du processus politique engagé par le clan présidentiel et dont le prélude avait été la réélection forcée de Bouteflika pour un 4e mandat. L'objectif étant de tirer le meilleur avantage de la Loi fondamentale pour mieux conforter le socle du régime de façon à lui permettre de faire face aux défis majeurs qui pointent à l'horizon et dont le plus évident est l'inévitable problématique de la succession liée à la maladie de Bouteflika. Tout comme le pouvoir était resté sourd aux appels à la raison émanant de la classe politique et des personnalités nationales écoutées et respectées pour empêcher le coup de force du 4e mandat de Bouteflika, rien ne semble ébranler ses convictions et contrarier ses plans. Tant il apparaît faire peu cas de ce que pensent et veulent de larges pans de la société pour l'Algérie de demain, qui se dessine dans les laboratoires du système. Le pouvoir peut leurrer l'opinion nationale et internationale pour faire passer la pilule de la révision constitutionnelle en jouant sur la diabolisation de l'opposition, affublée de tous les maux et tenue pour seule responsable de tous les dérapages qui guettent le pays. Mais que peut-il répondre aux personnalités nationales sans attaches partisanes, connues pour leur probité et leur patriotisme, mais aussi et surtout à tous ces universitaires émérites de tous horizons, aux premiers rangs desquels des constitutionnalistes indépendants qui ne cessent de marteler que la démarche du pouvoir en la matière est foncièrement biaisée ? C'est le combat, entre autres, de Mme Fatiha Benabbou qui appelle à revenir aux sources du droit constitutionnel en dénonçant tous les amalgames et les manipulations politiques qui entourent le débat actuel sur la révision constitutionnelle tel qu'il est engagé. La notion de «Constitution consensuelle» brandie par le pouvoir n'existe nulle part dans le monde. «La Constitution est un acte juridique, une loi, ce n'est pas un contrat social», tente de convaincre la juriste. Aussi, si dialogue et consultations il doit y avoir, cela ne pourrait se faire que dans un autre cadre, politique, précédant l'élaboration de la nouvelle mouture de la Constitution amendée, qui doit être la finalité du processus de réformes engagées et non le prélude. C'est la conviction des constitutionnalistes qui rejoint dans le fond les préoccupations des partis de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique visant à enlever au pouvoir le monopole de la pensée et des réformes démocratiques dont il s'est fait le dépositaire, tout en plaidant pour la mise en place d'une période de transition politique. De Bensalah à Ouyahia, les mêmes hommes du sérail ne peuvent donner aux Algériens que les mêmes fruits amers et avariés que l'actualité régionale a jetés, partout, à la poubelle de l'histoire.