La leçon de Boumerdès a-t-elle été retenue ? Les experts sont formels : toujours pas ! L'histoire se répète et se ressemble. Tout l'arsenal juridique et réglementaire mis en place après le séisme qui a frappé Boumerdès le 21 mai 2003 est en passe d'être mis au placard, comme tout ce qui a été mis en œuvre après le séisme de Chlef, le 10 octobre 1980. Les leçons n'ont pas été tirées, malgré l'ampleur des catastrophes. Pourtant, après le séisme de Boumerdès, les plus hautes autorités du pays avaient confié à l'expert international Davidovici la mission d'une expertise neutre sur le séisme de Boumerdès, qui a fait ressortir l'absence totale et gravissime dans le secteur de la construction et l'acte de bâtir de l'élément essentiel en matière sismique, l'ingénieur en génie civil en l'occurrence. L'expert a recommandé l'intégration en urgence de cette corporation dans la maîtrise d'œuvre. C'est pourquoi la loi 90-29 du 29 décembre 2009 a été amendée et modifiée par la loi 04-05 du 14 août 2004. Ce nouveau cadre légal a introduit dans son article 55 l'obligation de l'élaboration des études conjointement avec l'ingénieur en génie civil pour assurer la sécurité des constructions et minimiser le risque et les dégâts en cas de séisme inévitable dans un pays à haut risque tel que l'Algérie. Malheureusement, depuis le 5 mars 2014, le ministère de l'Habitat, de l'Urbanisme et de la Ville a lancé une opération d'élaboration d'un projet d'arrêté interministériel modifiant celui du 15 mai 1988, qui régit l'exercice et la rémunération de la maîtrise d'œuvre, d'où sont exclus totalement les ingénieurs en génie civil de la maîtrise d'œuvre. L'exclusivité a été donnée aux architectes, lesquels, faute de formation, ne peuvent ni justifier l'antisismique par calcul ni par suivi sur sites des constructions. Pourtant, lors du procès du séisme de Boumerdès, seuls les ingénieurs ont été jugés. Aucun architecte ne fut inquiété, et ce, malgré l'articles 455 du code civil. Bien que les ingénieurs soient organisés en deux associations — l'Organisation algérienne des ingénieurs de la construction et environnement (Oraice) et l'Association des ingénieurs de l'Inforba (ANII) —, le ministère ignore les représentants des ingénieurs. Alors, pour défendre leur profession, les ingénieurs agréés en génie civil se sont organisés en Syndicat national (SNIA GCB). Devant le mépris et l'ignorance affichés par le ministère de l'Habitat, les ingénieurs en GC ont organisé, le 26 mars dernier, un sit-in devant ce ministère à l'issue duquel ils ont publié un communiqué repris par El Watan en date du 15 avril 2014, et ce, pour alerter les autorités du pays sur la marginalisation de ce corps professionnel. En vain. Le ministère continue dans cette voie qui vise à écarter les ingénieurs du processus de décision dans un domaine aussi sensible que celui de la construction, exposant ainsi dangereusement nos concitoyens à des catastrophes certaines, du fait de la sismicité de l'Algérie.