Ksar Chellala, 120 km à l'est du chef-lieu de wilaya de Tiaret, demeure une ville morte depuis vendredi suite à des émeutes pacifiques au début et qui semblent prendre de l'ampleur au fil du temps. Emeutes qui avaient pris naissance vendredi vers16 h dès qu'une panne d'électricité, bien que de courte durée, est venue rappeler aux citoyens leurs dures conditions de vie qui, en plus du chômage, sont égrenées de problèmes liés à l'alimentation en eau, à la « hogra » alors que d'autres voix anonymes parlent de manipulations du fait de l'implication de plusieurs personnes dont l'ex-maire dans des affaires de gestion scabreuse actuellement pendantes devant la justice. Parler de manipulations, c'est un peu irrévérencieux et une insulte à la fois à l'adresse de ces milliers de jeunes sortis spontanément manifester leur colère en commençant par établir des barricades au niveau des principaux axes routiers et finir hier par s'en prendre à quelques commerces, aux enseignes, non sans observer des sit-in simultanément devant les sièges de l'APC et de la daïra. Devant cette dernière institution, certaines voix exigent le départ du chef de daïra. Une daïra devenue par hasard cible de toutes les rancœurs. Même celle ayant valu à l'emblème d'être « inconsidéré » est rappelée avec force argument et photos à l'appui. Les manifestants nombreux à nous solliciter, hier, semblent faire montre d'intransigeance dans leurs revendications. Beaucoup d'entre eux tentent de forcer les portes métalliques du siège de la daïra, mais les forces anti-émeutes, dépêchées depuis Tiaret, les en ont dissuadés à coups de gaz lacrymogène. Une source sécuritaire responsable parle de « trois arrestations », alors que nos interlocuteurs réfutent et font état de l'enlèvement de plusieurs personnes dans différents endroits de la ville. Globalement, il y a trois grandes forces en présence. Ceux qui voudraient en découdre avec le chef de daïra, ceux qui observent un sit-in devant l'APC et le reste des troupes disséminés à travers les artères de la ville. Isolement Colère qui n'a rien donc à voir avec cette frustration de voir la rencontre Allemagne-Argentine entrant dans le cadre de la Coupe du monde, qui constitue ici et là aux quatre coins d'Algérie un icone pour le divertissement en ce chaud été 2006, mais cette colère mal contenue semble trouver ses origines dans cet isolement socioéconomico-culturel, mais teintée de politique et d'une marginalisation au plan de développement en dépit des conséquents programmes injectés dans une ville qui, après avoir souffert du terrorisme, est en train de souffrir de l'isolement. Excentrée, Ksar Chellala reste recluse et pour s'y rendre il faudrait traverser paradoxalement une partie du territoire de Djelfa. Le mouvement populaire, le deuxième du genre moins d'une année après celui ayant valu une autre grogne des gens de Ksar Chellala, a-t-il été compris ? A tout le moins, même s'il reste sous-tendu par des manipulations de cercles d'affaires éclaboussés, a-t-on tenté de le résoudre à travers le dialogue ? Une panne technique de 15 minutes provoquée depuis Aïn Ouessara est-elle à même d'alimenter toutes ses rancœurs et voir ressurgir de vieux ressentiments induits par le chômage, l'eau et certaines autres frustrations cumulées que la manip politique s'est chargée d'exacerber. Hier, les centaines de jeunes qui bloquaient certains axes routiers ont brûlé beaucoup de pneus et fait entendre leur ras-le-bol, mais la grogne risque de prendre des contours autrement plus dramatiques si rien n'est tenté pour apaiser la tension. Il y a quelques jours seulement, les habitants de la cité 90 Logements, qui n'avaient pas reçu la moindre goutte d'eau depuis une quinzaine de jours, avaient emboîté le pas à leurs concitoyens en barrant la route pour de courts moments, mais l'atmosphère était telle que la colère était presque annoncée. Une délégation de jeunes avait même rallié Tiaret avant-hier pour venir raconter aux représentants de la presse (photos à l'appui) le manque de considération porté par certains responsables à l'emblème national réduit à sa portion congrue au siège d'une institution administrative. L'affrontement population-forces de l'ordre semble inévitable et des voix, dont celles des sages, ont commencé à mettre le holà.