Les augmentations des salaires pour la Fonction publique annoncée par le président de la République et formalisée avant-hier par un accord entre le gouvernement et l'UGTA sont différemment appréciées par des économistes. Avant même cette prise de décision par le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika avait, quelques mois auparavant, calqué ses positions sur celles de l'ex-chef de gouvernement, Ahmed Ouyahia, et celles du FMI pour considérer qu'une augmentation importante des salaires induira forcément un retour à l'inflation et un impact négatif sur les performances de l'économie dans son ensemble. Aussitôt la revalorisation des salaires dans la Fonction publique décrétée, moyennant l'octroi d'une enveloppe budgétaire prévisionnelle de 98 milliards de dinars, le ministre des Finances, Mourad Medelci, a assuré qu'elle n'entraînera pas une poussée inflationniste qui viendrait en annuler les effets, soutenant que « l'économie algérienne était certes marquée par un manque de productivité, ce qui est source d'inflation des prix, mais elle reste caractérisée par une fluidité commerciale totale avec une large ouverture sur les importations et une disponibilité de produits qui rend les évolutions inflationnistes moins importantes que dans une économie fermée et un marché rigide ».Contacté hier, l'économiste Mohamed Bahloul, le directeur fondateur de l'Institut de développement des ressources humaines d'Oran (IDRH), a de prime abord tenu à préciser que « lier la productivité aux salaires ne peut se concevoir dans un système économique basé sur la rente ». Pour lui, « les évolutions salariales ne peuvent toucher les équilibres macro-économiques », qui au passage, note-t-il, « ne sont pas transformés en incidences sur le cadre microéconomique ». M.Bahloul fera remarquer que l'inflation touche déjà un certain nombre de produits avant même ces augmentations salariales. Et de considérer que de toutes les façons, « 1ou 2% d'inflation ne sont pas catastrophiques pour l'économie nationale ». Pour sa part, le vice-président du Conseil économique et social (Cnes), Mustapha Mekidèche, nous a indiqué hier que « dans l'état actuel de l'économie et de la société, on ne peut aborder les salaires uniquement sous l'angle strictement économique ». Pour M.Mekidèche « il y a nécessité de faire des rattrapages pour les couches laminées par les périodes précédentes ». Des rattrapages, dit-il, « socialement impossibles à ne pas réaliser ». Notre interlocuteur a estimé que « ces augmentations ont des incidences infiniment marginales puisqu'il y a eu des restrictions budgétaires, et ce, en basant les lois de finances sur un prix de référence du baril de pétrole à 19 dollars alors qu'il dépasse les 60 dollars depuis longtemps ». Et au vice-président du Cnes de faire remarquer que ces augmentations « seront de toute manière tirées d'une monnaie existante et non à créer ». Mustapha Mekidèche a ajouté que ces augmentations salariales « permettront de créer un climat favorable afin de pouvoir engager la réforme de l'Etat. Des augmentations qui permettront d'avoir une administration plus efficace et améliorer le climat des affaires », selon M.Mekidèche. « En un mot, elles ont un rapport indirect sur l'efficacité et la productivité dans les administrations économiques », a-t-il conclu.