Les plaidoiries des 11 et 12 juin, consacrées exclusivement au traitement du dossier de «détournement de trois avions-taxis», ont confirmé que l'homme a complètement «sombré dans la folie des grandeurs» et était «devenu une personne incontrôlable». La deuxième semaine du procès Khalifa au Tribunal de grande instance de Nanterre, près de Paris, a apporté sa part de révélations sur le personnage de l'ancien golden boy qui peuvent contribuer à expliquer davantage les causes de la faillite du groupe qui portait son nom. Rafik Abdelmoumen aurait signé un contrat d'achat de 8 avions, d'une valeur totale de près de 11 millions de dollars, sur un coup de tête. Les plaidoiries des 11 et 12 juin, consacrées exclusivement au traitement du dossier de «détournement de trois avions-taxis», ont confirmé que l'homme a complètement «sombré dans la folie des grandeurs» et était «devenu une personne incontrôlable». «Il a signé le contrat, ou plutôt les deux contrats, lors d'un dîner privé organisé par M. El Chammah chez lui. Ce soir-là, il n'était pas prévu de signer quoi que ce soit. On discutait sur nos projets communs à l'avenir et, à un moment donné, il sort son stylo et signe sur les contrats que je lui ai présentés juste comme prototypes. Je suis resté sans voix», raconte, à la barre, Philippe Debrun, ancien PDG du constructeur Socata. Cette version des faits est confirmée par Raghid El Chammah, ancien conseiller en communication de Rafik Khalifa. Les deux prévenus et la personne morale Socata sont accusés de «complicité du délit de banqueroute par détournement d'actifs» au préjudice de Khalifa Airways. Ce délit concerne uniquement trois avions sur les huit commandés, des «TBM d'une valeur totale de 7,5 millions de dollars». Selon la version de la justice française, entre septembre et décembre 2002, «ces trois avions-taxis ont été réimmatriculés au profit de la société Jetcorp sans lien avec la société Khalifa Airways sur simple fax de Raghid El Chammah, confirmé par un courrier de Rafik Khalifa». Les avions auraient été donc livrés à Jetcorp alors que c'est Khalifa Airways qui les avait commandés et en a payé une bonne partie du prix total. Abdelmoumen Khalifa et ses complices sont soupçonnés d'avoir orchestré ce détournement en sachant que Khalifa Airways, qui sera mise en liquidation judicaire à partir du 10 juillet 2003, était en cessation de paiement, fixée plus tard par la justice au 31 juillet 2002. El Chammah, dont la presse présente souvent un portrait peu flatteur par rapport à ses activités, est poursuivi en sa qualité de «représentant de Khalifa par contrat ASR passé avec Socota, qui a ordonné à cette dernière de réimmatriculer les appareils». Devant la juge Fabienne Siredey-Garnier, qui voulait mesurer sa responsabilité dans les dérives dépensières de Khalifa, El Chammah est catégorique : «M. Khalifa avait perdu la tête, il était devenu incontrôlable. Quand je lui faisait remarquer qu'il avait tort en telle ou telle décision, il me disait que c'est lui qui ordonne». Pour anticiper sa propre défense, le prévenu franco-libanais soutient que «le liquidateur algérien a orchestré une machination contre moi depuis 2007, dans la presse algérienne, me présentant comme un criminel et le responsable de la faillite du groupe Khalifa. On a même raconté que j'avais démantelé 13 avions de Khalifa Airways et que je les ai vendus en pièces détachées, alors que c'est complètement faux». Même s'il refuse de fournir à la justice une copie de son contrat avec Khalifa, il affirme qu'il avait juste «signé un contrat de conseiller en communication, consulting et prestation de services en contrepartie de 3 millions de dollars par an pendant 5 ans» à partir de juin 2001. Il a affirmé qu'il ne touchait pas, par ailleurs, de commissions supplémentaires, sauf sur les services qui ne figuraient pas dans le contrat ! Or, selon M. Debrun, «El Chammah s'est constitué en ASR afin de toucher 7% de commissions sur la valeur totale de la vente des avions à Khalifa Airways». C'est ce que ne comprend pas Amine Chachoua, ancien dirigeant du groupe Khalifa, intervenu en tant que témoin dans ce dossier : «Je ne comprends pas pourquoi on aurait eu besoin de passer par ce contrat ASR. Nous avions déjà traité directement avec Airbus pour acheter 32 appareils de ligne. Nous pouvions bien acheter trois TBM 700 sans médiation !» La justice française devrait, en tout cas, trancher et définir les responsabilités par rapport à cet achat douteux le 20 juin.