La visite de Abdelfattah Al Sissi, hier à Alger – fut-elle courte – semble avoir scellé un nouveau départ dans les relations algéro-égyptiennes, tant la dégradation sécuritaire dans la région exige des deux pays un rapprochement stratégique. Même si rien n'a filtré des brefs entretiens entre les deux chefs d'Etat, le nouveau raïs d'Egypte et son hôte du jour Abdelaziz Bouteflika, le chapitre sécuritaire, dont le chaos libyen en tête, était au centre des préoccupations des deux Présidents. En tout cas, le maréchal-président l'a laissé entendre avant son arrivée à Alger, en déclarant à la télévision de son pays que sa visite en Algérie «a pour objectif de dégager une véritable entente et une vision conjointe des intérêts communs et des défis qui se posent aux deux pays et à la région». Et pour être encore plus précis, Abdelfattah Al Sissi a soutenu qu'Alger et Le Caire «ont besoin d'œuvrer ensemble pour conjurer un certain nombre de problèmes auxquels fait face la région arabe, notamment le terrorisme, qui nécessite une coordination des positions. Je vais évoquer avec les responsables algériens diverses questions, à leur tête la situation en Libye, un pays voisin à la fois de l'Egypte et de l'Algérie». La persistance de la crise en Libye, avec ses débordements à l'est comme à l'ouest, pousse ses deux voisins à agir de concert pour assurer plus d'efficacité. Pressées par la communauté internationale à plus d'implication et sollicitées par le nouvel homme fort de Tripoli, le général Khalifa Haftar, à aider son pays militairement, l'Algérie et l'Egypte sont appelées à peser de tout leur poids stratégique pour endiguer une crise aux implications régionales. Les autorités algériennes, qui se sont laissé déborder par le conflit libyen en raison d'une position attentiste, se retrouvent depuis quelques mois à gérer ses conséquences désastreuses. De l'autre côté des frontières, l'Egypte, elle-même engluée dans une instabilité politique interne, subit de plein fouet également les méfaits du feu libyen. Dans ce contexte, l'élaboration d'une stratégie commune entre Alger et Le Caire devient non seulement un choix, mais aussi et surtout une nécessité qui s'impose aux deux capitales. Mais en filigrane, les deux régimes «tractent» pour apporter un soutien politique, voire militaire au général Haftar, réputé pour son tropisme attentiste, qui semble s'assurer les faveurs d'Alger et du Caire. Ainsi, la Libye qui, géographiquement, sépare l'Algérie et l'Egypte, apparaît comme un trait d'union permettant un rapprochement entre les deux pays. La convergence de vues entre dirigeants algérien et égyptien sur le dossier libyen découle directement d'un préalable : un rabibochage intervenu juste au lendemain du renversement du président Mohamed Morsi et la reprise du pouvoir au Caire par les militaires sous la conduite du maréchal Al Sissi. Alger n'a pas hésité un instant pour envoyer des messages de soutien au nouveau régime de Abdelfattah Al Sissi – un soutien diplomatique de taille – pendant que beaucoup de pays africains dénonçaient un coup d'Etat militaire et que l'Union africaine a vite gelé la participation de l'Egypte au sein de l'organisation. Une décision contrée par l'activisme algérien, qui a dû batailler pour la levée de la suspension. Signe d'un réchauffement des relations, tombées dans la «banalité» durant le règne des Frères musulmans. Pour Alger, le triomphe de la doctrine militaire au Caire est synonyme de «mise en échec des révolutionnes arabes» auxquelles elle s'est farouchement opposée. Le chef d'Etat égyptien, issu d'une présidentielle qui s'apparente davantage à un plébiscite qu'à une compétition politique ouverte, va sans doute saisir «la bonne ambiance» des relations entre son pays et l'Algérie pour solliciter l'aide d'Alger, notamment en matière financière et économique dont l'Egypte a urgemment besoin. En somme, l'escale de Abdelfattah Al Sissi à Alger, certes éclair et symbolique, signe sans nul doute la naissance d'une nouvelle alliance entre les régimes des deux pays.