Comme l'an dernier et les années précédentes, à Aïn El Hammam, le mois de Ramadhan n'apporte pas de changement notable. Aux journées moroses succèdent les nuits monotones. Le rituel ne change pas. Les journées sont généralement consacrées aux courses, alors que les soirées reprennent leur animation. Hormis les visites familiales, les loisirs sont, pour le moins que l'on puisse dire, limités aux jeux de hasard. On passe le temps comme on peut en attendant le s'hour. Les quelques cybercafés qui n'ont pas encore mis la clé sous le paillasson et qui se donnent la peine d'ouvrir quelques heures par nuit accueillent les mordus du web. Les autres, sortis pour prendre l'air, se retrouvent indubitablement dans les cafés maures. Aux terrasses, des groupes entament d'interminables discussions autour d'une tasse de thé. Les sujets ne manquent pas. Sport — Coupe du monde de football oblige — coût de la vie, politique, tout y passe. A l'intérieur, les parties de cartes et de dominos semblent s'étirer à l'infini. Contrairement à l'an dernier où plusieurs soirées ont été animées par des chanteurs de renom ou des représentations théâtrales qui ont connu un franc succès auprès du public venu y assister. L'unique salle de cinéma où, l'an dernier encore, plusieurs spectacles s'étaient déroulés, est en travaux depuis de longs mois. A quelques kilomètres de là, dans les villages, l'ambiance est tout autre. Ceux qui ne sont pas «montés» en ville remplissent le café improvisé pour ce mois de carême. Les mordus de poker, dont les mises sont importantes, nous dit-on, commencent dès 21 heures pour ne s'arrêter qu'à la fermeture du café. Certains y laissent toutes leurs économies. Dans une salle mitoyenne, assis sur des madriers face à des tables de fortune, avec des bouts de carton en guise de nappe, les indécollables joueurs de loto multiplient les parties dans l'espoir de décrocher «le pactole». Certains se contentent d'un seul carton, alors que d'autres, plus gourmands peut-être, alignent devant eux la série complète, soit six cartons pour une mise de vingt dinars la partie. Même à ce prix, le gain devant amortir une partie des dépenses de la soirée n'est pas assuré. Tels des drogués, ils continuent de déposer l'obole toutes les cinq minutes, et ce, jusqu'au s'hor. Le rituel reprendra le lendemain après une autre journée de jeûne. Les mêmes joueurs, perdants ou gagnants de la veille, reprendront leurs places pour y laisser encore une partie de leur salaire.