Les différents protagonistes de la crise, à savoir le gouvernement malien et les groupes politoco-militaires du Nord (au nombre de 6 mais répartis en deux groupes distincts), ont fini par se mettre d'accord sur une feuille de route pour des négociations de paix. L'espoir, pour les Maliens, de parvenir à tourner durablement la page de la crise du Nord est de nouveau permis. Bien qu'ayant connu une entame laborieuse le 16 juillet dernier, la phase initiale du dialogue intermalien s'est finalement terminée, jeudi à Alger, de la meilleure des façons. Les différents protagonistes de la crise, à savoir le gouvernement malien et les groupes politoco-militaires du Nord, au nombre de 6 mais répartis en deux groupes distincts, ont fini par se mettre d'accord sur une feuille de route pour des négociations de paix. Ce document qui, comme son nom l'indique, a pour objet la mise en place d'un cadre pour les discussions afin de «permettre l'émergence d'une solution globale et négociée du problème des Régions du nord du Mali». Il a été paraphé en même temps qu'une déclaration de cessation des hostilités. L'accord a été bouclé au bout d'une semaine d'intenses tractations. Mais contrairement à ce que pourraient le faire croire les apparences, le compromis entre tous les acteurs n'a pas été facile à obtenir. «Il a vraiment fallu batailler pour que le processus de dialogue n'étouffe pas dans l'œil», a confié un diplomate algérien. Ce premier round de discussions a d'abord failli être remis en cause après le refus catégorique de la coalition des groupes armés formée par le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA), le Haut Conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA) et le Mouvement arabe de l'Azawad (MAA, dissident) de reconnaître le statut de «belligérant» à l'autre regroupement de mouvements armés du Nord, constitué par le Mouvement arabe de l'Azawad (MAA), la Coordination pour le peuple de l'Azawad (CPA), la Coordination des mouvements et Fronts patriotiques de résistance (CM-FPR). Pour les leaders du MNLA, le CPA, le MAA et les milices du CM-FPR n'ont pas à être à Alger du moment qu'elles sont des «forces supplétives» de Bamako. Le problème, non encore réglé, a d'ailleurs contraint la médiation à proposer à la signature deux feuilles de route et deux déclarations de cessation des hostilités. Guerre des mots Ce n'est pas tout. La bataille a ensuite longtemps fait rage autour de la qualification de la crise et l'usage de certaines notions. Jeudi encore, la cérémonie de signature de cette feuille de route des négociations a dû être retardée de six longues heures en raison du fait que certains groupes armés ont insisté pour que soit retiré du document le vocable «laïcité» et que soit remplacée la notion de «pourparlers» par celle de «dialogue». La coordination composée du HCUA, du MNLA et du MAA (dissident) s'est fait aussi un point d'honneur, dans le cas de la désignation du septentrion malien, à imposer la transcription du terme «Azawad» à côté de «Régions du Nord du Mali». Tous ces réaménagements apportés sur le tard et auront finalement permis de débloquer la situation in extremis ont satisfait les négociateurs des mouvements armés touareg. Et probablement leur orgueil aussi. Le porte-parole du HCUA, Hama Ag Sid Ahmed a tenu, à l'occasion, à rendre un hommage appuyé à «la médiation qui a pleinement joué son rôle pour rapprocher les points de vue». Concernant justement au volet lié à la médiation que le MNLA voulait, à un moment, soumettre à débat, la feuille de route avalisée jeudi a confirmé l'Algérie dans son statut de «chef de file de la médiation, avec une équipe composée de la médiation de la Cédéao, de l'ONU/Minusma, de l'OCI, de l'UE, ainsi que du Burkina Faso, de Mauritanie, du Niger et du Tchad». Bien entendu, le premier à avoir applaudi le résultat de cette semaine d'âpres négociations est sans conteste le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, qui aura été au four et au moulin pour éviter que ça coince. Il y a cru depuis le début et au moment où beaucoup étaient très circonspects, pour ne pas dire pessimistes. Y compris au sein de la diplomatie algérienne. Mais le MAE algérien a le succès modeste. Dans une brève déclaration à la presse, il a estimé que «la signature des deux documents constitue un résultat satisfaisant». Il est vrai que le plus gros reste à faire et que personne n'est encore à l'abri d'un retournement de situation. Il y en a eu tellement au Sahel... En d'autres termes, il n'agit là que d'un «smig politique» qui pourra tout juste permettre d'avancer. Il n'empêche que pour le chef de la mission de l'Organisation des nations unies (ONU) au Mali (Minusma), Bert Koenders, les progrès réalisés lors de cette phase initiale du dialogue sont déjà un «franc succès». «Les négociations vont prendre du temps. Mais le plus important c'est qu'un processus est en place, ce qui constitue une sérieuse avancée. La feuille de route est claire pour faire avancer les choses. Les deux parties cesseront de tourner en rond», a soutenu, tout heureux, le représentant onusien. Les choses sérieuses commenceront en août En quoi consisteront maintenant les prochaines étapes ? Les parties maliennes ont convenu d'un chronogramme des négociations. Il a été convenu qu'elles procèdent «par étapes différenciées et séquencées avec des activités à réaliser et une durée prévisionnelle». Il faut savoir que les négociations de paix qui se déroulent à Alger comportent trois étapes, à savoir «l'étape initiale (16 - 24 juillet)», «l'étape de négociation des questions de fond» qui débutera le 17 août et durera jusqu'au 11 septembre 2014. Il est prévu que celle-ci reprenne début octobre et débouche sur un plan de règlement qui servira de base à l'élaboration d'un accord de paix. Concernant l'étape de la finalisation de l'accord, elle consistera principalement à mettre en forme le plan de règlement et à élaborer, dans les formes juridiques convenues, «un accord de paix global et définitif». En attendant donc la reprise des négociations le 17 août, la «Déclaration de cessation des hostilités» évoque la création d'une commission conjointe qui travaillera sous l'égide de la Mission des Nations unies pour le Mali (Minusma). Son rôle ? Prendre contact avec les acteurs en vue de faciliter la consolidation du cessez-le feu et superviser la libération de prisonniers et de toute autre personne détenue «du fait du conflit». Les échos qui proviendront du terrain devraient donner un aperçu de l'implication de chacune des parties en conflit dans la construction de la paix. Les discussions qui viennent de prendre fin à Alger sont, rappelle-t-on, les premières à rassembler l'ensemble des parties prenantes au conflit depuis celles ayant abouti à l'accord intérimaire, le 18 juin 2013 à Ouagadougou, ayant ouvert la voie à la tenue d'élections présidentielle et législatives au Mali. Mais depuis, le dialogue intermalien a connu un enlisement. Plus inquiétant, les accrochages et affrontements mortels se sont multipliés au fil des mois entre l'armée malienne et les rebelles touareg et des conflits intercommunautaires ont éclaté à proximité des localités contrôlées par le MNLA. C'est justement pour éviter un retour à la case départ que le gouvernement algérien a accepté, sur demande du président malien Ibrahim Boubacar Keïta, de reprendre en main le dossier du nord du Mali. Les régions septentrionales du Mali connaissent des rebellions cycliques depuis le début des années soixante. Les populations qui y vivent, les Touareg, s'estiment abandonnées et spoliées de leurs droits les plus élémentaires par le pouvoir central de Bamako. Lors de la rébellion du 17 janvier 2012, le MNLA a revendiqué l'autodétermination et l'indépendance de l'Azawad qui correspond aux trois régions maliennes de Kidal, Tombouctou et Gao. Mais depuis les accords de Ouagadougou du 18 juin 2013, la revendication a été abandonnée. C'était d'ailleurs l'une des conditions posées par le gouvernement malien pour participer à des négociations avec les Touareg.