Près d'un siècle est passé depuis que les puissances occidentales ont décidé de changer la carte du Moyen-Orient avec la signature, le 16 mai 1916, d'un accord secret appelé «Sykes-Picot» du nom des signataires britannique et français. Aujourd'hui, ce même Moyen-Orient est au bord d'une nouvelle configuration géopolitique orchestrée par la loi de l'intérêt et de la terreur. L'accord de Sykes-Picot, qui avait bouleversé la face de l'Arabie et du Machrek, semble avoir vieilli et ne répond plus à l'appétit grandissant des puissants ; une nouvelle distribution des espaces d'influence s'impose pour les nouveaux acteurs du jour. L'empire a changé de visage et de méthode, mais ne cède rien sur ses visées expansionnistes qui s'accommodent des exigences de l'heure. De Sykes-Picot à Obama & Co, le monde est passé d'une forme précise de domination à une autre. La colonisation prend des allures d'ingérence pour apporter de prétendues aides à la libération des peuples. Sauf que, force est de constater qu'il y a erreur de casting : un dominateur ne tend pas la main au dominé. Il suffit de voir qu'il n'y a pas foule au portillon de Ghaza pour aider les populations civiles à échapper à la barbarie israélienne. Ô que Sykes-Picot n'est pas si lointain, ce dont souffre Ghaza aujourd'hui en témoigne d'ailleurs, avec ses files de victimes innocentes. Hier, le poison tribal avait servi de prétexte pour l'empire afin de mettre «de l'ordre» dans la tente arabe ; aujourd'hui le poison djihadiste islamiste offre toute latitude à des interventions étrangères pour remodeler ce bout de planète géré par des régimes dépassés et inféodés aux grandes puissances. Ce moment fera date dans les manuels de l'histoire, comme celui qui verra la naissance d'entités ethnico-religieuses qu'on appellera pays. Les Etats-nations cèderont devant une inflation de «istan» : Wahhabistan, Sunnistan, Alaouistan, Chiistan, etc. Un patchwork cousu par la machine de l'empire qui déplacera populations et pays comme des pions sur un échiquier. Il ne subsistera du monde, tel que nous l'avons connu jusqu'à l'heure, que de vagues références. A une plainte turque auprès des autorités britanniques en 1918 sur les visées de l'accord de Sykes-Picot, le gouvernement britannique avait répondu ceci : «Le gouvernement de Sa Majesté et ses alliés n'ont pas abandonné leur politique qui consiste à apporter leur concours le plus entier à tous les mouvements qui luttent pour la libération des nations opprimées… Le gouvernement de Sa Majesté confirme ses promesses antérieures concernant la libération des peuples arabes.» Un siècle passé, l'on connaît la suite de l'histoire et la région paye encore aujourd'hui le prix de la soi-disant libération des peuples arabes. Cette réponse «diplomatique» expliquant la partition des territoires du Moyen-Orient comme un gâteau d'anniversaire entre Français et Britanniques n'a pas pris une ride et renvoie, à n'en point douter, aux discours qui ont justifié les interventions en Irak, en Afghanistan, en Libye… et ailleurs. Sykes-Picot et Obama & Co, mêmes visées, même combat.