La force de stabilisation » de l'Onu que le secrétaire général de cette organisation a proposé de déployer au Liban pour suppléer sur place la force de la Finul (Force intérimaire des Nations unies pour le Liban) dont le statut et les effectifs sont dépassés par l'ampleur du conflit n'est pas près de voir le jour. Le principe de l'envoi au Liban d'une telle force qui devrait avoir une mission opérationnelle d'armée d'intervention ou d'interposition est conditionné dans le plan de règlement de la crise mis au point par le secrétaire général de l'ONU par une série de mesures qui s'imposent beaucoup plus au Hezbollah qu'à Israël. Parmi ces mesures, on peut citer notamment l'appel lancé au Hezbollah pour la libération des soldats israéliens capturés par ce mouvement, l'application par le Liban de la résolution 1559 de l'Onu appelant au désarmement de toutes les milices présentes au Liban dont celles du Hezbollah ainsi que la tenue d'une conférence internationale. Les réactions à l'initiative de Kofi Annan ne se sont pas fait attendre. La position d'Israël est connue depuis le premier jour des hostilités. Par ailleurs, l'attitude des grandes puissances et particulièrement des Américains, mais aussi celle des régimes arabes qui n'arrivent pas à s'entendre sur un minimum, à savoir un calendrier d'un sommet arabe, conforte tellement Israël dans son aventure guerrière au Liban qu'on voit mal l'Etat hébreu s'arrêter « en si bon chemin » et accepter un compromis avec le Hezbollah. Les préalables du plan de Kofi Annan rejoignent en fait les conditions posées par Israël pour cesser les hostilités contre le Liban. En d'autres termes, ce qui est exigé du Hezbollah, c'est d'abord de capituler en restituant les soldats israéliens qui se trouvent entre ses mains et de s'autodissoudre pour qu'Israël puisse accepter un cessez-le-feu. Un marché de dupes que le Hezbollah a rejeté hier en exprimant fermement son opposition au plan onusien. L'envoi d'une force d'interposition onusienne est devenu pourtant une nécessité face à la tournure dramatique que prend la crise. Aujourd'hui, ce ne sont plus les milices du Hezbollah qui sont ciblées par les attaques israéliennes, mais c'est tout un peuple qui est pris en otage dans le silence et l'indifférence de la communauté internationale. Comble du paradoxe : même la force de la Finul est soumise au même traitement. Ses positions sont attaquées par l'aviation israélienne sans que cela suscite la moindre condamnation ou indignation de la part du secrétaire général de l'Onu et du Conseil de sécurité. Ceci explique bien pourquoi les pays occidentaux et les Américains ne sont pas pressés de mettre en branle au Liban cette nouvelle force de l'Onu investie de nouvelles missions. C'est que sur le terrain, le temps travaille pour les Israéliens, qui possèdent la supériorité militaire. La diplomatie ne sert que de couverture pour gagner du temps et permettre à Israël d'aller jusqu'au bout des objectifs qu'il s'est tracés en agressant le Liban. Comment ne pas douter alors de la bonne foi proclamée par tous ces pays qui savent toujours dans les moments décisifs faire la part des choses entre l'amitié avec l'Etat d'Israël que certains, comme le parti républicain de George Bush, vont puiser dans des enseignements bibliques et l'amitié supposée avec les Arabes qui n'a pas forcément la même résonance. Certes, des déclarations d'indignation ont été enregistrées ici et là au niveau de certaines capitales occidentales face aux épreuves que subit le peuple libanais et une présence toute diplomatique à Beyrouth de certains émissaires européens est à relever, mais sans plus. Mais lorsque l'on voit la promptitude avec laquelle ces pays ont fait évacuer du Liban, sous bonne escorte militaire, leurs ressortissants, alors qu'ils n'en finissent pas de tergiverser sur l'opportunité ou non de la mise en place d'une force d'interposition au Liban pendant que tout un pays et un peuple sont menacés de disparition, on ne peut pas s'empêcher de croire à l'existence d'une partition bien réglée, d'un partage des rôles entre Israël et ses alliés. L'objectif est le même : la sécurité d'Israël qui conditionne celle de tous les autres Etats de la région. L'Allemagne, qui n'a pas encore fait le deuil de son passé nazi, est allé même chercher dans son histoire sur l'holocauste des juifs des raisons pour justifier ses hésitations à rejoindre une éventuelle force de stabilisation de l'Onu si elle venait à voir le jour.