C'est un mouton adulte qui dort en rêvant de films pour adultes. Sa femme la brebis le réveille tôt : «C'est l'Aïd, il faut que tu sois beau.» Frais comme un genêt, il prend son petit-déjeuner, de la paille trempée dans du lait de brebis, mais pas celui de sa femme la brebis. Il se douche, sa poche il touche puis va chez le coiffeur pour quelques retouches, descendant vers la plaine se tondre la laine. Son argent dans un sachet, il se rend au marché et choisit un petit garçon tendre comme une moisson qu'il achète à un maquignon 3 millions tout rond. Il le ramène à la maison, lui donne un surnom et l'installe dans la pièce du fond en lui jetant quelques frites sans commentaire afin qu'il se nourrisse par terre. Le jour de l'Aïd, le mouton sacrifie le garçon tel un pharaon. Avec ses cheveux épais il fait un balai, avec sa peau pleine d'éclat une derbouka et ses dents un collier tout blanc. Avec ses petits moutons, ils ont dévoré tout le garçon, côtelettes, douara, foie et rognons. Heureux d'avoir contenté son Dieu, repu, c'est encore sa brebis trapue qui lui demande comment tenir avec cette dépense imprévue. Le mouton a invoqué le mektoub et le Dieu, seuls pourvoyeurs sérieux sur les terres du milieu. Trêve de rimes, non, un peu de sérieux. A l'origine des origines, Ibrahim voulait décapiter son garçon, l'ange Gabriel est arrivé pour lui dire non, un peu de sérieux, on ne tue pas ses enfants, on n'est pas chez les Daech, et lui a proposé un animal. Mais si c'était l'inverse ? Si les moutons avaient inventé le feu, la parole, puis les outils, les couteaux et les dieux, puis domestiqué les animaux, ils auraient peut-être élevé des humains sur la planète des moutons. Mais non, les humains ont gagné, les moutons ont perdu, bien que ces deux créatures se ressemblent souvent sur certains points. Comment dit-on «Aïdkoum moubarak» en mouton ? A l'envers. Ça donne : «Karabuom muokdia.»
