C'est une mission pernicieuse et préoccupante pour l'avenir du Moyen-Orient que l'administration Bush s'apprête à accomplir dans la capitale italienne aujourd'hui. Car, autour de la table des négociations, ne sont conviés à s'asseoir que les représentants de pays « dociles » ou alliés fidèles des USA, si l'on exclut la France, seul participant toléré et accusé d'être « pro-libanais ».Au ministère des Affaires étrangères italien, seize délégations représentant treize Etats par leur ministre des Affaires étrangères (Allemagne, Arabie Saoudite, Canada, Egypte, Espagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Jordanie, Liban, Russie, Turquie et USA), et trois organisations internationales, l'ONU, la Banque mondiale, l'Union européenne avec trois représentants, la présidence finlandaise, le commissaire pour les relations extérieures, l'Autrichienne Benita Ferrero-Waldner, et le haut représentant pour la politique étrangère, l'Espagnol Xavier Solana, devront s'entendre sur une stratégie commune pour résoudre le conflit ente le Liban et Israël. Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a laissé entendre dans des déclarations faites avant son arrivée à Rome qu'il allait œuvrer pour que la réunion débouche sur « la fin des hostilités et la mise sur pied d'une force de paix ». Objectif que l'émissaire américain Condoleezza Rice semble partager en partie, après sa tournée au Moyen-Orient, où elle s'est attelée à rassurer le gouvernement israélien, lui promettant de se faire la fidèle interprète de ses exigences à Rome, et en énumérant ces « conditions » lors des rencontres qu'elle a eues avec les responsables palestiniens et libanais, qu'elle n'a pas réussi à charmer et à gagner à sa cause. Car le gouvernement israélien, conscient d'avoir là une chance historique de sortir de cette crise où il est l'agresseur, comme le magnanime, et obtenir haut la main ce que la résolution 1559 n'a pu lui garantir, c'est-à-dire désarmer les milices de Hezbollah et de tous les autres groupes de combattants armés dans la région. L'ironie du sort veut que ce soit l'Etat qui a toujours foulé aux pieds toutes les décisions de l'ONU et défié le droit international qui se présente aujourd'hui en victime et demande que la résolution votée en 2004 au Palais de verre soit observée. Et pour arriver à ses fins, Ehud Olmert, Premier ministre israélien, a opéré un véritable forcing diplomatique pour l'instauration d'une force appelée par certains « d'interposition » et par d'autres de « stabilisation » et que les commandes de celle-ci aillent à l'Otan et non à l'Union européenne que Tel-Aviv accuse d'être « trop pro-arabe ». Mais les Etats qui ont exprimé leur disponibilité à y contribuer insistent sur la nécessité de placer le contingent sous la bannière des Nations unies pour justifier devant leur opinion publique l'envoi de soldats de leur pays sur un front à haut risque. Si l'on considère que hier encore le Hezbollah refusait d'entendre parler de trêve encore moins de cessez-le-feu. Et le monde a vu comment l'armée israélienne riposte aux actions des combattants chiites. Durant le sommet de Rome, la mission et la composition de cette force militaire internationale seront étudiées. Ce qui est sûr, c'est qu'elle sera composée de soldats de pays occidentaux (la Turquie pourrait être le seul pays musulman à en faire partie). Les gouvernements qui ont déjà exprimé leur disponibilité à y prendre part sont l'Italie, la Grèce, le Brésil et l'Argentine. Il s'agirait, selon des sources diplomatiques italiennes, de déployer un contingent qui comprendrait entre 20 000 et 30 000 hommes.