Même au Nord les gens sont traumatisés : peur de se faire bombarder, de voir détruire les derniers passages vers la Syrie, peur de la pénurie alimentaire, car les dons n'arrivent pas chez nous du fait du blocus. C'est pour cela que j'ai fui avec ma famille », dit d'un trait une jeune fille du nord du Liban, rencontrée lundi 24 juillet au soir au poste frontalier de Deboussiyé dans le Nord, à 45 minutes de la ville syrienne de Homs (180 km au nord de Damas). Au niveau de ce poste, dont le passage a été rouvert depuis le début de l'agression israélienne, des banderoles accueillent les réfugiés venus du Liban avec la phrase « frères libanais, vous êtes ici parmi les vôtres, la nourriture, les médicaments, le transport et l'hébergement sont gratuits », signé : la chambre de commerce de Homs et le Haut comité à l'hébergement. « 3000 à 3500 réfugiés passent quotidiennement les frontières au niveau de ce seul poste », indique Djemanah Debs, responsable de l'Union des femmes libanaises du Nord-Liban qui fait des va-et-vient entre Tripoli et Liban (à moins de 30 km de la frontière) et Addaboussiyé, qui remercie la Syrie de son aide. « Des gens nous viennent de Hamma, de Homs, d'Alep et de toute la Syrie pour apporter leur aide. Il y en a même un qui s'est déplacé des frontières irakiennes. Un autre a pris une dizaine de réfugiés pour les héberger chez lui », dit Youcef Brahim du Croissant-Rouge arabe syrien (CRAS), qui souligne la difficulté d'acheminement des denrées nécessaires vers les terres libanaises. « On ne fait passer que de très maigres quantités grâce à des chauffeurs de camions courageux qui prennent le risque de se faire bombarder par des missiles », ajoute Youcef, exténué par son travail. Son équipe se poste à une centaine de mètres du pont qui marque la frontière et offre aux arrivants (en bus, en camionnettes, en voitures, avec leurs affaires ou sans) provisions et orientations, avant de se concentrer sur les cas les plus urgents. « On a organisé l'évacuation vers leur ambassade à Damas pour des Soudanais qui ont fui Beyrouth », illustre-t-il pour parler de la diversité de la prise en charge. L'administration syrienne des frontières est efficace et le passage est d'autant facilité que la Syrie n'impose de visa à aucun ressortissant arabe. « Nous résistons, mais avec les enfants » « Je suis libano-américain et avec ma famille on a décidé de partir pour Damas. A Beyrouth, l'ambassade américaine nous impose d'attendre 15 heures pour l'enregistrement sur les listes d'évacuation par mer et de patienter encore 48 heures avant d'embarquer sur un navire. Tout cela parce que je suis musulman et qu'ils doivent s'assurer que je ne suis pas un dangereux islamiste », fulmine Alaâ, venu des Etats-Unis avec sa femme et ses deux enfants passer des vacances chez ses parents au sud Liban. Il a dû fuir vers Beyrouth dans un premier temps, ses enfants ont vu des cadavres étalés à Tyr et n'ont plus supporté les bombardements de la banlieue sud de Beyrouth. Il faut ensuite faire huit heures de route pour remonter vers le Nord et prier que l'aviation israélienne ne bombarde pas la route ou ses environs. « Nous résistons, mais vous comprenez, avec les enfants… », laissant sa phrase suspendue, tandis qu'une vieille femme de Zahrani près de Saïda nous explique que le Sud-Liban a été transformé en enfer, « sans eau, ni électricité ni gaz et des bombardements ». « C'était notre dernière chance », dit ce jeune libano-espagnol qui vient de traverser la frontière en pleine nuit. Avec une quarantaine d'Espagnols, il a pris le dernier bus loué par l'ambassade espagnole à Beyrouth vers les frontières Nord, le dernier passage sûr pour quitter le Liban. Un avion militaire espagnol les attend à Damas le lendemain matin. « Moi je pars sur Beyrouth », nous surprend un jeune Libanais, qui s'affaire à charger des valises dans un véhicule tout-terrain en compagnie de ses proches. « Je viens d'arriver de Shangaï, en Chine, via Damas. Je suis de Beyrouth et je dois y retourner le plus vite possible. La route du Nord est relativement la plus sûre, même la nuit », dit-il expliquant qu'il n'arrivait plus à avoir des nouvelles de ses proches à Beyrouth à cause des frappes contre les antennes de transmissions. Du côté des ressortissants algériens, vingt d'entre eux ont été rapatriés vers Alger le 24 juillet après avoir passé la nuit à l'ambassade d'Algérie à Damas. Quant aux dons algériens, ils ont pu être acheminés lundi vers le Liban à travers la frontière Nord, l'unique voie de salut pour des milliers de civils meurtris.