Au vu de la présence massive des citoyens dans plusieurs meetings électoraux, il a semblé plausible de dire que la campagne électorale pour les élections législatives a réconcilié les Tunisiens avec la chose politique. Tunis De notre correspondant Mais cet avis n'est pas partagé par le politologue Hamadi Redissi. D'abord, ce n'est pas la même affluence qu'en 2011, remarque-t-il. En plus, seuls les meetings de Rached Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi drainent la grande foule, poursuit-il. «La désillusion, née de la gouvernance catastrophique de la troïka, avait éloigné, encore une fois, les Tunisiens de l'intérêt à la politique. Mais, il est vrai qu'avec ces meetings réussis, voilà un nouvel espoir qui renaît en marge de ces échéances électorales», souligne le politologue. «Pourvu que cet espoir se concrétise par une participation assez élevée aux élections», espère-t-il, en insistant sur «l'existence d'une crainte réelle de voir les Tunisiens bouder les urnes». «Hormis les meetings de Caïd Essebsi et Ghannouchi et, à un degré moindre, ceux du dirigeant du Front populaire, Hamma Hammami, et du président de l'Union patriotique libre, Slim Riahi, les autres rencontres électorales n'ont pas connu d'affluence», poursuit Redissi, qui a peur de «voir ce manque d'enthousiasme de la part des électeurs se traduire par un taux élevé d'abstention». Laquelle abstention pourrait influencer, selon le professeur Redissi, les résultats du scrutin. «Un taux élevé d'abstention favorise les partis idéologiques, comme Ennahdha, car leur base est militante», ajoute-t-il. A part cette crainte de l'abstention élevée et ce constat d'émergence des meetings de Ghannouchi et Caïd Essebsi par rapport aux autres activités, la campagne électorale, qui se termine demain, n'a pas connu d'incidents notables ni d'échauffourées spécifiques. Pour la première fois de l'histoire de la Tunisie, le scrutin est indécis. Ce n'est pas comme en 2011 quand les islamistes d'Ennahdha étaient donnés gagnants ni auparavant, quand les résultats étaient scellés d'avance. «Nous allons gagner les élections», a affirmé Béji Caïd Essebsi devant ses sympathisants dans les meetings qu'il a présidés pendant cette campagne électorale. Même son de cloche chez Rached Ghannouchi. Et c'est l'indécision totale à l'approche du scrutin. Le début de la fin La Tunisie connaîtra donc ce week-end le dénouement de la bataille à distance que se livrent depuis des mois le leader d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, et le président de Nidaa Tounes, Béji Caïd Essebsi, autour du modèle sociétal à adopter par la Tunisie. Les islamistes d'Ennahdha ont essayé, durant les deux années de leur gouvernance, de saper les acquis modernistes du pays à travers une avalanche de visites de prédicateurs obscurantistes du Golfe et une inféodation systématique des associations culturelles et éducatives. Mais la société tunisienne a résisté à cette razzia «islamisante» et les modernistes ont concrétisé le renversement de la vapeur dans le texte de la nouvelle Constitution. La version finale adoptée le 27 janvier 2014 est une négation complète de la mouture du 1er juin 2013, notamment sur les thèmes des libertés et l'aspect civil de l'Etat. Ennahdha voulait pourtant exercer un passage en force pour faire adopter ledit projet, via sa majorité relative à l'Assemblée nationale constituante. Mais l'opposition politique et la société civile étaient parvenues à mobiliser la rue, obligeant Ennahdha à faire marche arrière. Béji Caïd Essebsi est l'un des artisans de ce retournement de situation. Nidaa Tounes est parvenu à rétablir l'équilibre dans le paysage politique et à doter le pays d'un parti pouvant assurer l'alternance au pouvoir, condition impérative pour la réussite de la transition démocratique. Pour la clôture de leurs campagnes électorales respectives, Ennahdha a opté pour des manifestations de rue, demain vendredi, afin de faire des démonstrations de force, alors que Nidaa Tounes a opté pour des rencontres réduites afin de mobiliser davantage ses troupes. Les jeux sont serrés et les dés sont loin d'être jetés.