La composition fortement bipolaire de la nouvelle Chambre des représentants du peuple en Tunisie pousse les observateurs à s'interroger sur les possibilités de gouverner ce pays. Tunis De notre correspondant Avec un Parlement, dominé à hauteur de ses trois quarts par Ennahdha et Nidaa Tounes, et dont le quatrième quart est une mosaïque de petites formations, l'obtention d'une forte majorité parlementaire est nécessaire mais elle n'est pas facile à obtenir. «La stabilité politique est une condition nécessaire pour aborder la marche vers le redressement socioéconomique», n'ont cessé de recommander les institutions internationales. Les élections sont certes un passage obligé pour parvenir à cette stabilité. Mais, le système politique adopté facilite l'émiettement des structures et rend les coalitions très volatiles, à l'image de ce qui a été vécu lors des travaux de l'Assemblée nationale constituante (ANC). «Ennahdha a défendu avec obstination les candidatures libres au Parlement, dans le cadre de la loi électorale», a rappelé le doyen Fadhel Moussa, ex-membre de l'ANC. Nidaa Tounes a gagné près de 40% des sièges de la Chambre des représentants du peuple, alors qu'Ennahdha est à près de 30%, ce qui rendrait envisageable une coalition entre les deux partis. A première vue, l'axe Nidaa Tounes-Ennahdha peut bénéficier du soutien de plus des deux-tiers des membres du Parlement. Mais, «il ne faut pas oublier que le soutien populaire à Nidaa Tounes trouve son origine dans son antagonisme avec Ennahdha», avertit Néji Jalloul, dirigeant de Nidaa Tounes. «Le président Béji Caïd Essebsi et plusieurs membres de la direction du parti, avaient régulièrement insisté sur l'opposition ‘‘éternelle'' entre Nidaa et Ennahdha», poursuit-il. «Une éventuelle complaisance avec les islamistes risque d'avoir des conséquences sur l'harmonie au sein du parti», souligne l'universitaire. «C'est une ligne rouge à ne pas traverser», conclut-il. Face à l'impossibilité d'une telle coalition, souhaitée de vive voix par les pays occidentaux, que reste-t-il à Béji comme alternative ? Compétence et coalition Lors de la dernière interview de sa campagne électorale, donnée vendredi dernier sur Nessma TV, le président de Nidaa Tounes a laissé entendre que son parti «peut envisager d'attribuer la présidence du gouvernement à une personnalité indépendante». Une telle formule pourrait éviter deux contrariétés à Nidaa Tounes, selon les observateurs. D'une part, le pays traverse une grave crise économique et sociale. Il vaudrait donc mieux éviter de s'exposer. D'autre part, ce gouvernement pourrait bénéficier du soutien de la majorité des partis politiques sans qu'ils n'en fassent partie ; Nidaa esquive ainsi la problématique d'alliance avec Ennahdha, contestée par ses bases militantes, toujours selon les observateurs. Il est toutefois utile de rappeler que la campagne électorale pour les élections présidentielles commence le 1er novembre. Béji Caïd Essebsi est candidat. Il est également le président du parti qui va désigner le chef du gouvernement. Béji bénéficie toutefois de deux mois pour former ce gouvernement. Va-t-il renvoyer l'échéance à l'après-23 novembre, date du scrutin présidentiel ?