La prévention contre le VIH/sida en Algérie, notamment au sein des populations à risque, à l'instar des prostituées, semble démontrer ses limites. C'est en tout cas la conclusion à laquelle a débouché l'enquête menée par la Forem, du 15 juillet au 17 novembre 2005, auprès des centaines de prostituées. Enquête rendue publique hier. Les enquêteurs de la Forem, dont le professeur Khiati, le docteur Sahraoui, le docteur Touaibia, Mme Zemirline, MM. Makki et Hamadi et Mlle Bourenane, en sus du Club scientifique des étudiants en médecine de Sétif et de l'Association de Maghnia, soulignent, d'emblée, que la situation des travailleurs du sexe en Algérie est souvent escamotée pour des raisons culturelles et religieuses. Opacité La prostitution, considérée comme le lit du VIH/sida, est un tabou dont la pratique demeure sous un voilage confidentiel. Cette opacité laisse planer un doute sur l'efficacité du contrôle médical et les pratiques d'hygiène dans les milieux du travail du sexe. Ainsi, 16 étudiants en médecine de dernière année, en collaboration avec les deux associations citées, ont été mobilisés par la Forem afin de mieux évaluer si les individus sont conscients du risque de contamination VIH/sida et respectent les mesures de protection. Les professeurs et docteurs, conscients de la délicatesse de la tâche, ont recommandé à ces médecins enquêteurs d'instaurer un climat de courtoisie et de confiance avec les personnes interrogées. L'investigation, réalisée grâce au soutien du Fonds mondial et de Global Fund, a ciblé une population de 749 personnes à haut risque (travailleurs du sexe) dont 79 homosexuels, soit 11%, et 670 prostituées, soit 89%. L'importance de cette enquête réside dans le fait qu'elle couvre 13 wilayas selon la résidence de la population interviewée (Alger, Boumerdès, Blida, Tizi Ouzou, Béjaïa, Sétif, Khenchela, Oum El Bouaghi, Tlemcen, Ghardaïa, Laghouat, El Oued et Ouargla) alors que la répartition des personnes interrogées selon leur wilaya d'origine fait ressortir que toutes les wilayas du pays sont représentées. Ainsi, l'enquête a conclu que la pandémie du sida constitue un fléau national. Une ascension récente Toujours par rapport à l'origine de cet échantillon, les enquêteurs ont retrouvé cinq Tunisiennes, une Marocaine et quatre Maliennes parmi les prostituées. La répartition des personnes interrogées selon les wilayas où elles travaillent donne la wilaya d'El Oued en tête du peloton avec 20,4% (153 personnes), suivie de Ouargla avec 13,4% (101 personnes), vient par la suite Alger avec 11,34% (85 personnes). Tizi Ouzou détient, également, un taux inestimable avec 8,6%, soit 65 personnes prostituées. L'autre élément crucial qui ressort dans cette enquête consiste en l'âge des personnes interrogées dont la plus jeune fille est âgée de 14 ans et la plus âgée de 56 ans, alors que pour les homos, le plus jeune garçon est âgé de 13 ans et le plus âgé de 45 ans. 6% de la population interrogée ont moins de 18 ans, relevant, donc, de la pédophilie, tandis que 14% ont moins de 21 ans. Le plus grand taux est enregistré par la tranche d'âge 22-30 ans qui représente 54%, soit 404 personnes à haut risque. A la question « Depuis quand pratiquez-vous la prostitution ? », près de 66%, soit 493 personnes, ont affirmé avoir une ancienneté de moins de cinq ans. Un chiffre qui laisse déduire que le sida connaît une ascension récente à partir de l'année 2002. Ce qui pose une grande question sur l'efficacité des moyens de prévention adoptés jusque-là. La situation sociale des personnes interviewées fait ressortir que 49,3%, soit 369 personnes, ont un revenu moyen, 24,6%, soit 184 personnes, un revenu faible, alors que 21,4%, soit 160 personnes, ont un salaire élevé. Un autre fait mérite d'être signalé et concerne ces 42%, soit 312 personnes, qui sont satisfaites de pratiquer la prostitution alors que 55%, 409 personnes, affirment recourir à ce travail contre leur gré. Echec de la prévention Abordant la question du sida, l'enquête dévoile que sur les 749 personnes à haut risque, 17,9%, soit 134 personnes, ne connaissent pas le sida, tandis que 29,9%, soit une population de 224 personnes, ignorent comment on contracte le sida. Sur le même chapitre, une personne sur trois ne connaît pas les moyens de prévention contre cette pandémie. Le risque est encore plus élevé lorsqu'on sait que la majorité des 749 personnes interrogées, soit 59,6%, ne se protègent pas contre le sida, alors que 34,2%, soit 256 personnes, n'utilisent jamais des moyens de protection. Les résultats de l'enquête révèlent, en outre, que la non-protection est différente d'une wilaya à l'autre et le taux le plus élevé est retrouvé dans la wilaya d'El Oued. L'enquête a, aussi, conclu que la plupart utilisent le préservatif comme contraceptif. L'investigation révèle, également, que certaines personnes interrogées avouent obéir au client et à la somme allouée. Par ailleurs, 29 personnes interrogées, soit 4%, ont une personne dans l'entourage sidéenne. A la question « Avec quelle langue aimeriez-vous lire des éléments d'informations sur le sida ? », 69% préfèrent la langue arabe et 25 % la langue française, alors que 4% sont des analphabètes. L'enquête de la Forem, qui constitue une première de par sa rigueur et l'importance de son échantillon, a abouti à une conclusion sans appel : échec de la prévention dans notre pays. Recommandations : beaucoup de choses restent à faire en matière d'information, d'éducation et de sensibilisation.